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ni les « demi-volontés » du Roi et la mauvaise volonté de ses conseillers, Alexandre revenait aux vues qu’en 1805 lui suggérait Czartoryski : forcer la main au roi de Prusse et par l’invasion de ses États et par le soulèvement de son peuple ; se réserver la faculté, selon les circonstances et selon ses propres convenances, de rétablir ce roi en sa puissance et splendeur. L’alliance se scellerait par l’échange des services : « amitié, confiance et courage, la Providence fera le reste[1]. »

Il reçut Knesebeck le 15 février, et prit en fort mauvaise part les précautions de Frédéric-Guillaume à l’égard de la Russie, ses lenteurs à se séparer de Napoléon, ménageant l’homme qui l’avait sacrifié, marchandant avec son sauveur, enfin tout le jeu des garanties préalables. « Il n’est pas besoin de traités, dit-il ; la Prusse doit rompre immédiatement. » La Prusse doit être reconstituée, il en forme le vœu ; l’accomplissement sera l’ouvrage de la guerre, et il remet sur le tapis l’annexion de la Saxe. — Il faut nécessairement, poursuit-il, que la Prusse soit agrandie. — Mais, observe Knesebeck, cette façon de faire sent un peu la française, la conquérante. Alexandre répond : « La conduite de la Saxe ne permet pas de la traiter autrement qu’un pays conquis, » il ajoute : « On indemnisera le roi de Saxe quelque part en Allemagne, en Italie. »

Knesebeck exhiba son projet de traité. « On aurait pu croire, écrit un Russe, que c’était la Prusse qui avait délivré la Russie du joug des Français. » Nesselrode répondit, le 21, par un contre-projet qui remettait les choses au point :


La sûreté entière et l’indépendance de la Prusse ne pouvant être solidement établies qu’en lui rendant la force réelle qu’elle avait avant la guerre de 1806, Sa Majesté l’empereur de toutes les Russies s’engage à ne pas poser les armes aussi longtemps que la Prusse ne sera point reconstituée dans ses proportions statistiques, géographiques et financières, conformes à ce qu’elle était avant l’époque précitée… Il sera conservé, entre les différentes provinces qui doivent rentrer sous la domination prussienne, l’ensemble et l’arrondissement nécessaires pour constituer un corps d’État indépendant.


Le duché de Varsovie demeurerait préalablement la conquête de la Russie ; à la Prusse de s’aider elle-même et de contribuer, de toute la force de ses armes, à sa propre reconstitution. Ce

  1. Au roi de Prusse, 24 janvier 1813.