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régions du Nord et ressentait dans ses intérêts tout amoindrissement de l’ordre ; par la noblesse qui, surtout en Bretagne et en Anjou, gardait encore un prestige de tradition et abhorrait dans la République les souvenirs de la Terreur. Ainsi rudesses et faveurs de la nature ont formé à l’équilibre stable du caractère ces populations si différentes. En toutes la raison est froide, le sang calme, l’action lente. Entourées de cette atmosphère, les grandes cités elles-mêmes, Lille, Amiens, Rouen, Le Havre, Nantes, Angers, demeurent en ordre. En vain parmi leurs masses ouvrières les doctrines explosives ont été répandues : dans la sagesse ambiante, la poudre fuse sans éclater. La révolution n’a pas été faite, mais supportée, par cette France silencieuse et réfléchie[1].

  1. Le préfet du Nord, chef du parti républicain, télégraphie au gouvernement. Lille, 15 septembre. — « L’état politique de mon département est très facile à caractériser brièvement. Anxiété extrême sur ce qui va se passer à Paris. Tout est là. Si vous résistez avec succès aux Prussiens, ici tout ira bien. Testelin. » Id. p. 1189. — Le préfet du Pas-de-Calais annonce le 7 septembre : « Proclamation de la République bien accueillie. » Mais, le 9, il n’est pas sûr que les maires du département affichent les circulaires du gouvernement. Id., p. 1289. — Dans l’Aisne, le préfet de l’Empire, M. Ferrand, a reçu du gouvernement cette dépêche le 6 septembre : « Restez à votre poste, vous avez toute notre confiance. Le gouvernement vous est reconnaissant de votre noble attitude devant l’ennemi. » Après avoir répondu le 7 : « Je perdrais l’estime des honnêtes gens, la vôtre, toute autorité morale s’il n’était constaté que j’ai donné ma démission, » M. Ferrand ajoute : « Angoisses extrêmes au sujet de l’invasion. Malheureusement, surtout dans les campagnes, plus d’abattement que de ressort. Partout ordre complet. A Saint-Quentin, le Conseil municipal a voté une adresse d’adhésion au nouveau gouvernement, dans les autres chefs-lieux, généralement attitude expectante. » L’Explosion de la citadelle de Laon, par Gustave Dupont, conseiller à la Cour d’Appel de Caen. Caen, 1877, p. 164 et 175 à 179. — Le préfet de la Seine-Inférieure, le républicain Dessault écrit : « Rouen. 14 septembre. Le calme continue à régner dans tout le département. Préoccupation des événemens. Dessault. » Dépêches, p. 1355. Le Havre cherche dans la Révolution la chance de devenir chef-lieu du département. — Le Havre, 12 septembre. « Pas d’entente avec Rouen. Nous voulons nous défendre. Rouen ne se défendra pas. Tous nos patriotes demandent à grands cris la création d’une préfecture au Havre ; notre salut en dépend, celui de la République en dépend aussi. Le maire, Guillemard. » Id., 1855. — Le préfet impérial de la Loire-Inférieure, pour calmer quelques effervescences de Nantes, télégraphie : « J’ai pensé qu’il était convenable de m’adjoindre deux membres de l’administration municipale. » En même temps, les deux membres Guepin et Lauriol, qui d’adjoints veulent devenir successeurs, télégraphient que la voix populaire les a « désignés pour remplir les fonctions de préfet par intérim. » Mais Guepin qui va devenir le préfet définitif qualifie lui-même ces mouvemens de « petites agitations. » ld., 1116. — Le préfet de la Sarthe : « Le Mans, 8 septembre. Département et villes calmes. » Id., 1337. — Le préfet de l’Eure : « Évreux, H septembre. Le département parfaitement tranquille. » Id., 981. — Le préfet d’Eure-et-Loir : « Chartres, 15 septembre. Le département accepte et obéit parfaitement. » Id. — Le préfet de l’Orne : « Alençon, 17 septembre. La République est acceptée, sauf, bien entendu, par les meneurs du parti bonapartiste ; on se rendra maître des campagnes, qui ici font les élections, en agissant avec modération. Albert Christophle. » Id., 1227.