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« à la porte de son parquet[1]. » Le gouvernement confie aussitôt à l’un de ces délégués l’administration de la Côte-d’Or. Mais celui-ci, en déclarant que « la République a été acclamée avec enthousiasme par la population des villes, » ajoute : « les campagnes sont plus froides[2]. »

Mâcon était, moins encore que Dijon, une ville révolutionnaire. Mais tandis que la population de la Côte-d’Or était toute agricole, en Saône-et-Loire prospéraient les plus importantes des industries métallurgiques et minières qui, de plus en plus pressées, forment, du Cher et de la Loire aux portes de Lyon, « la région noire. » La principale cité du département était le Creuzot, une usine devenue une ville. Des centres ouvriers comme Montceau grandissaient, plus importans que les sous-préfectures. De même les idées et surtout le tempérament des prolétaires tendaient à dominer de leur violence brutale la modération des bourgeois libéraux, et l’audace des démagogues était excitée par les influences de Lyon. Ils mirent à profit la première heure pour s’imposer, et partout la similitude de leurs procédés et de leur langage prouva un concert établi d’avance. Le conseil municipal de Mâcon était composé de libéraux ; dès qu’il apprit les nouvelles de Paris, il proclama dans la soirée du 4 septembre la République. Le préfet aussitôt donne sa démission et disparaît. Il n’y a donc nulle résistance à vaincre, quand un groupe de meneurs entraîne la foule vers la préfecture qu’il veut envahir. Le poste de garde, fourni par le 73e de ligne, croise la bayonnette. La poussée de ceux qui suivent jette ceux qui précèdent sur la pointe des armes, dans la bagarre quelques-uns sont blessés, un mobile mortellement. La surprise de ce malheur et la crainte de la foule livrent le conseil à ceux qui souillent la violence populaire. Ils obtiennent de lui qu’il réclame du gouvernement le départ immédiat du 73e. Le général, ainsi désavoué par la municipalité, donne sa démission. et comme la force militaire, faute de chef et d’ordres, demeure inerte, les démagogues pénètrent enfin dans cette préfecture qu’ils ont voulu envahir pour y rester maîtres. Une vingtaine d’hommes à qui personne n’a donné mandat, s’y transforme en « comité départemental provisoire » et se superpose ainsi au conseil municipal qui se laisse annuler. A Autun, de même, les révolutionnaires, écartés par les

  1. Id., 931.
  2. Ib., 932.