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élections dernières, se substituent à la municipalité choisie par la ville, et celle-ci, pour toute résistance, demande au gouvernement si les élus de la population « doivent céder la place à ceux qui veulent la prendre. » Au Creuzot le conseil est démocrate, mais pas assez pour la minorité la plus ardente. Elle forme un « comité républicain » qui d’abord a « délégué deux de ses membres pour assister à la réception de toutes les dépêches » et qui ensuite annule le conseil municipal, en n’agréant que six des conseillers élus et en leur adjoignant quatorze ouvriers ou négocians que le suffrage universel n’a pas nommés, que le « comité » désigne seul[1]. Et la masse des ouvriers accepte comme une victoire cette élimination des hommes qu’elle a choisis il y a moins d’un mois, et le remplacement de ses élus par des non-élus qui s’imposent au nom d’un comité non élu. Or, ces mandataires du parti avancé ont pris possession de l’autorité provisoire pour s’accréditer auprès du gouvernement, lui donner des avis qui aient l’apparence de la volonté publique, et obtenir un préfet qui, devant son pouvoir à leur initiative, consacre leur usurpation. Dès le 6 septembre, « les membres composant la commission départementale provisoire demandent que le citoyen Boysset, ancien représentant de Saône-et-Loire, qui jouit d’une grande considération et peut exercer une grande autorité morale soit immédiatement nommé préfet de Saône-et-Loire. » Le 8, ils renouvellent l’instance impérieuse, tandis que, sans plus de pouvoirs et avec la même unanimité, des groupes semblables transmettent, des villes secondaires à Paris, « le vœu du département. » Même hors du département ils agissent : les « délégués » du Creuzot se rendent à Dijon et, après les avoir entendus, le préfet de la Côte-d’Or avertit le gouvernement qu’au Creuzot la question devient « sociale, » le péril « grave » et propose Boysset comme le modérateur nécessaire[2].

Mais le gouvernement se souciait peu d’être représenté par des

  1. Id., 1318-1319.
  2. Dijon. Administration provisoire à l’intérieur. « La situation du Creuzot. ville industrielle avec une population de 26 000 habitans dont 10 000 ouvriers est très grave. La municipalité existante est républicaine, mais elle est dépassée par un groupe considérable d’ouvriers qui demandent des représentans. Je crois qu’une question sociale se présentera et que le péril est grave… Mon avis est le suivant : nommer Boysset chargé de l’administration du Creuzot, lui dire de s’y rendre immédiatement et faire nommer dans les quarante-huit heures par élection une commission municipale. » Id., 923.