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personne ne descend dans la rue que les curieux de nouvelles, rien ne se meut que le clavier du télégraphe, pour les solliciteurs de places. La passivité est telle que le gouvernement la peut mettre à l’épreuve. Il a, dans la confusion des premiers jours, donné à la fois la préfecture d’Annecy à deux républicains, l’un Philippe réside dans le département, l’autre Louis Jousserandot arrive de Paris. Celui-ci trouve l’autre installé déjà et ; pendant deux jours, les deux préfets, qui ne songent pas comme en Dordogne à gouverner ensemble, se disputent la place. Un conflit qui laissait incertaine l’autorité eût offert une rare facilité de troubles aux factions d’une ville ardente. Annecy supporte l’épreuve sans connaître même la tentation, entre les deux rivaux demeure patiemment neutre jusqu’au moment où Jousserandot, nommé ailleurs, rétablit par son départ l’unité des pouvoirs[1]. A Chambéry, capitale de la province, la République compte en si petit nombre ses amis de la veille que le Conseil municipal ne proclame pas, le soir du 4 septembre, le nouveau gouvernement. Il faut que des particuliers prennent, au milieu de l’abstention générale, l’initiative de le reconnaître. Leur comité compte un seul élu du suffrage universel, un conseiller général : tous les autres membres n’ont mandat que d’eux-mêmes. Et d’autre part la population est si inerte que cette poignée d’hommes, sans opposition de personne, s’installe à la préfecture, se déclare Commission départementale, demande à Paris des instructions, en attendant, requiert le concours de l’autorité militaire, envoie dans les sous-préfectures des délégués pour prendre la place des sous-préfets, et réclame la destitution des magistrats[2]. Elle a à sa tête un ancien préfet de la République, Guiter. Nommé préfet de la Savoie, il est le seul préfet de France qui ait l’expérience de ses fonctions, il sait donc obéir ; chef des démocrates savoisiens, il les satisfera en les faisant obéir eux-mêmes ; eux et lui enfin sont assez peu nombreux pour tirer toute leur force de celle que le gouvernement leur donne. De même dans les Hautes-Alpes, ou le chef des démocrates Cyprien Chaix, nommé préfet, reconnaît que « le parti républicain est peu nombreux[3]. » Dans les Basses-Alpes, jusqu’au 10 septembre, le préfet impérial reste, oublié par le gouvernement, supporté sans aucune impatience par la population. A son départ seulement, un avocat

  1. Id., 1348.
  2. Id., 1339-1341.
  3. Id., 751.