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plus dissemblables remplissant des fonctions de plus en plus nombreuses et de plus en plus dissemblables » : et les sociologues d’aujourd’hui considèrent encore cette loi comme fondamentale dans le développement de la société où apparaissent successivement des gouvernans et des gouvernés, des rois, des prêtres, des soldats, des magistrats, etc.

Or, en biologie, ce principe reste concevable précisément sous la forme d’un passage de l’homogène à l’hétérogène, passage par lequel succède à la masse confuse de l’embryon la diversité des tissus, des structures, des fonctions.

Seulement est-il applicable encore au monde physique ?

Donc, — et c’est là tout ce que nous avons voulu montrer, — mettre au point la première loi du progrès, ç’a été justement la plier, comme loi abstraite de l’évolution, aux phénomènes inférieurs. L’évolution a été obtenue, non pas par progression et en montant vers les réalités plus complexes de la vie et de la pensée, mais par régression et en descendant vers les formes élémentaires de l’existence. Spencer n’a pas conçu la vie d’après les phénomènes physiques et chimiques, mais les phénomènes physiques et chimiques d’après une loi de la vie, et cette loi de la vie, c’est la spéculation politique qui lui en a suggéré la formule.


III

Nous voilà donc installés au centre même de sa pensée.

Le changement étant le fait le plus constant de l’univers, la loi de l’univers ne peut être qu’une loi de changement. Et k philosophie sera la découverte de cette loi. Or, tous les changemens, ceux qui altèrent lentement la structure de notre ciel étoile ou ceux qui constituent une décomposition chimique, sont « des changemens dans les positions relatives des parties composantes, et ces changemens impliquent nécessairement partout qu’en même temps qu’un nouvel arrangement de la matière est apparu un nouvel arrangement du mouvement. D’où suit qu’il doit y avoir une loi de redistribution concomitante de la matière et du mouvement qui s’applique à tous les changemens et qui, les unissant ainsi tous, doit être la base de la philosophie. »

Vers 1860, Spencer en est arrivé, comme on le voit, à s’exprimer dans le pur langage du mécanisme classique. Avec la