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successifs avec Napoléon, d’approches, parallèles et chemins couverts du côté des alliés. Le 23 avril, le comte Hardenberg, le Hanovrien, écrit à Munster : « Il (Metternich) est trop attaché à l’Etat, et il a trop d’ambition pour ne pas vouloir rétablir celui-ci dans son ancien lustre, et il est, en même temps, trop éclairé pour espérer atteindre ce but par la France, si même elle lui offrait pour prix de son assistance, dans la lutte actuelle, des agrandissemens pour l’Autriche… »


IX

Ces avis s’adressaient au prince régent d’Angleterre. Jusque-là, l’Angleterre n’avait point paru. Elle doutait des résolutions et des armemens de l’Autriche, surtout de ceux de la Prusse. Les ministres anglais considéraient comme inévitable la catastrophe du Grand Empire, ils ne voulaient intervenir en Allemagne que pour frapper le dernier coup et enlever la garantie principale de la paix anglaise, les Pays-Bas. Le reste, le duché de Varsovie, la Confédération du Rhin, la reconstruction de la Prusse et de l’Autriche, leur importait assez peu et ne comptait qu’à titre de moyens de second plan. La Méditerranée demeurait au premier, et, de ce côté, tout leur réussissait. La royauté de Joseph croulait en Espagne, sous leurs coups. Celle de Murat tomberait comme un fruit pourri sur sa tige, il leur suffirait d’agiter l’arbre. Ils avaient occupé le Portugal sous prétexte d’en protéger l’indépendance, ils occupaient la Sicile sous prétexte d’y protéger la monarchie ; leur proconsul en cette île, lord Bentinck, y tenait les Bourbons les menottes aux mains sous prétexte de les arracher aux griffes de Napoléon. Espagne, Sicile, Naples et, au-delà, toute l’Italie à défendre, c’est-à-dire à conquérir à la suprématie commerciale de l’Angleterre ; autant de traités de commerce que de restaurations, autant de débouchés à ouvrir que de peuples à délivrer ! Les ministres anglais y voyaient clair, dès 1813, autant que Catherine II vingt ans auparavant, et ils combattaient le despotisme napoléonien sur les côtes et sur les mers comme cette grande impératrice écrasait, à Varsovie, et projetait d’exterminer, à Constantinople, la Révolution française. Pour eux, ainsi que naguère pour elle, l’affaire marchait excellemment : en 1794, les émigrés français célébraient la tsarine, vengeresse des rois ; en 1813, les peuples opprimés