ensemble nous tenant sous le bras, et riant beaucoup : nous n’en sommes pas mieux pour cela. »
On n’a jamais trop d’esprit ; mais il y a un inconvénient à n’avoir que de l’esprit, et c’est l’un des écueils vers lesquels Louis XIV était en train de pousser la noblesse française. Il lui avait rendu impossible, en la parquant dans ses antichambres, tout autre effort intellectuel que de chercher de jolis mots pour distraire la galerie. Un homme de qualité commençait sa journée à huit heures du matin par faire le pied de grue devant la porte du Roi. On se saluait, les élégans se peignaient avec leur peigne de poche, et chacun guettait du coin de l’œil le moment d’entrer. Molière nous fait assister dans des vers peu connus à l’assaut final :
- Grattez du peigne à la porte[1]
- De la chambre du Roi ;
- Ou si, comme je prévoi,
- La presse s’y trouve forte,
- Montrez de loin votre chapeau,
- Ou montez sur quelque chose
- Pour faire voir votre museau,
- Et criez sans aucune pause,
- D’un ton rien moins que naturel :
- « Monsieur l’huissier, pour le marquis un tel. »
- Jetez-vous dans la foule, et tranchez du notable
- Coudoyez un chacun, point du tout de quartier,
- Pressez, poussez, faites le diable
- Pour vous mettre le premier…[2].
M. le marquis est entré. La. chambre est déjà comble. Il gagne « le terrain pas à pas, » réussit à voir le Roi mettre ses souliers[3], car il les mettait lui-même, et voilà l’emploi de sa première heure. Il recommencera le soir pour voir le Roi ôter ses souliers. Il avait déjà recommencé à une heure de l’après-midi pour le voir manger son potage, et deux ou trois autres fois, dans le courant de la journée, pour se trouver sur son passage à l’aller ou au retour de la messe et de la promenade. Dans les intervalles, il a eu les occupations puériles des charges de Cour, la tournée des hommages aux membres de la famille royale et aux