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arriverait au Palais-Bourbon avec un mandat défini. Mais où est le mandat de la Chambre actuelle  ? Personne ne niera que, sauf dans un très petit nombre de circonscriptions, la question concordataire n’a joué aucun rôle aux élections dernières, et les déclarations répétées de M. Combes à la Chambre constituent sur ce point un aveu très précieux. Le pays ne s’est pas prononcé. La Chambre, toutes les fois que l’occasion s’en est offerte à elle, l’a fait dans le sens du Concordat. Le gouvernement aussi. Et c’est dans des conditions pareilles que M. Combes, sortant des obscurités où il s’est enfermé jusqu’ici, viendrait dicter au pays et aux Chambres un Sic volo, sic jubeo, dictatorial ! Si les Chambres l’acceptent, ce sera de leur part une véritable abdication. Mais qu’en pensera le pays  ? Abdiquera-t-il lui aussi  ? En-dossera-t-il toute faite la solution qu’on lui apportera ? M. Combes l’a pensé, sans doute, puisqu’il a attendu les vacances pour rompre avec le Vatican et rappeler notre ambassade, et que, dans son dernier discours de Carcassonne. il a déclaré que la séparation de l’Église et de l’État était dans les vœux de tout le parti républicain. Qu’en sait-il ? Il n’a consulté personne. Il n’a entendu d’autre voix que celle des radicaux et des socialistes les plus avancés.

A-t-il du moins loyalement éclairé l’opinion pour la convaincre ? Non ; il a mieux aimé la surprendre. Aussitôt après le rappel de notre ambassade, il a publié les pièces de la négociation, si on peut appeler cela une négociation ; seulement il a supprimé la principale, à savoir la dépêche que, en date du 10 juin, Mgr Merry del Val avait adressée au nonce apostolique à Paris. Nous ne prenons pas à notre compte la thèse contenue dans cette dépêche. Nous avons fait, il y a quinze jours, à ce sujet des réserves que nous maintenons. Mais enfin, les explications fournies par Mgr Merry del Val indiquaient de sa part une tendance à la conciliation qui aurait pu aboutir si, dès la première minute, le gouvernement de la République n’avait pas posé un impérieux dilemme. Quelle était la thèse pontificale ? Elle consistait à dire que, les évêques français n’étant pas soustraits par le Concordat à la juridiction de l’Église, le Pape avait le droit de les appeler à Rome pour fournir des explications sur leur conduite. Or le Pape n’avait pas fait autre chose que d’user de ce droit. Quant à savoir si, à la suite des explications qu’ils auraient données, les évêques auraient été absous, ou soumis à des peines disciplinaires, ou formellement condamnés, c’est une autre question. Pour le moment elle n’était pas posée ; elle ne pouvait l’être que plus tard. Donc, le gouvernement pontifical n’avait à faire au gouvernement de la République aucune