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l’assister  ? « Pour la beauté du fait,  » comme dit Alceste, nous serions curieux de jouir de ce spectacle ! Mais enfin, quel en sera le dénouement, car en toute chose c’est ce qu’il faut voir ? M. Combes prépare-t-il un schisme  ? M. Combes a-t-il la prétention, conformément à l’exemple des grands hommes de la Convention et du Directoire, de créer une religion nouvelle dont il serait lui-même le pape laïque  ? Peut-être : qui peut savoir ce qui se passe dans son âme ecclésiastique  ? Mais alors il ne faut plus parler de séparation de l’Église et de l’État : il faut parler, au contraire, d’un accord encore plus intime, ou plutôt d’une confusion complète entre les deux puissances qui n’en feront qu’une. Il y aura une religion d’État, payée par lui, soutenue par lui au détriment de toutes les autres. Est-ce là ce que se propose M. Combes  ? On hésite, tout de même, à le croire. C’est ce qu’il devrait vouloir s’il était logique avec ses actes ; mais la marche de l’humanité est en sens contraire de ces solutions d’un autre âge, qui d’ailleurs n’ont jamais pu réussir en France. M. Combes ne fera donc pas un schisme ; il ne fera pas une religion nouvelle ; il fera tout simplement la séparation de l’Église et de l’État. Quelle sera, le lendemain, la situation de l’évêque qu’il aura compromis avec lui  ? Mgr Geay peut, qu’on nous pardonne le mot, jouir de son reste. Après avoir contribué à ébranler le Concordat, si l’édifice s’écroule, la première pierre en retombera sur sa tête. Les évêques, alors, n’auront plus de recours qu’auprès du Pape qui aura repris sur eux, comme sur les fidèles, le plein exercice de sa souveraineté spirituelle. Désormais, plus de ministre pour les défendre et les protéger. Ils n’obéiront plus, du moins en tant qu’évêques, à deux pouvoirs, mais à un seul. Tel sera l’avenir ; on l’aperçoit déjà. Si le gouvernement de la République voulait, en ce moment, rallier tous les évêques autour du Pape, il ne prendrait pas d’autres moyens que ceux qu’il emploie. Nous voyons d’ailleurs, pour d’autres motifs plus profonds, plus sérieux, plus honnêtes, ce mouvement d’adhésion se produire aujourd’hui. Tout porte à croire qu’il ira encore en s’accentuant, à mesure que M. Combes découvrira tous ses projets et que l’exécution en apparaîtra plus prochaine.

Sa conduite, ou du moins son langage, n’est pas sans témoigner de quelques hésitations : il se laisse entraîner à la dénonciation du Concordat plutôt qu’il n’y entraine les autres. Évidemment, lorsqu’il a pris le pouvoir, il était très loin de croire qu’il en viendrait là, et il ne le désirait pas. Il aimait mieux continuer de vexer et de brimer l’Église que de se séparer d’elle avec éclat et de lui rendre sa liberté.