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ayez envoyé un préfet radical et sûr. » Le 11, apparaît l’intention de sanctionner et de prolonger ce provisoire : « Nous sommes parvenus à dominer la situation délicate et difficile où nous a mis Lefranc, mais les pouvoirs que nous tenons de délégations successives devraient nous être donnés directement par le ministre. » Après avoir présenté au gouvernement comme un mandat du peuple l’autorité qu’ils occupent par droit de conquête, ils voudraient s’affermir auprès du peuple par un mandat du gouvernement. Celui-ci ne saurait les satisfaire sans irriter la faction d’Escarguel ; pour obtenir d’elles la paix, le mieux est de ne donner à aucune le pouvoir ; il ne faut pas moins que cette rivalité pour livrer de guerre lasse le premier poste du département à un administrateur étranger. Jousserandot, qui d’abord nommé à Annecy par inadvertance, a trouvé la place occupée par un autre et erre autour de sa fonction, est nommé à Perpignan et abandonne les Alpes pour les Pyrénées. Lefranc et Escarguel attendent avec impatience la fin des usurpations provisoires, mais non de la dictature, car ils demandent pour Jousserandot « des pouvoirs illimités, » conseillent le même régime « pour tout le Midi. » Malgré la force apparente du parti républicain dans ces contrées, ils ne se trompent pas sur sa faiblesse réelle et n’espèrent que dans la dictature pour transformer comme ils le veulent ces « populations endormies, molles, incapables par elles-mêmes[1]. »

L’Hérault a trois grandes villes : Montpellier, Béziers et Cette. Béziers seule a élu des républicains au conseil municipal. Le 4 septembre trouve Montpellier calme : dès le 5, l’avocat Lisbonne, juif d’allures conciliantes et d’opinions transactionnelles, est nommé préfet et succède au préfet impérial aussi régulièrement que si entre eux il n’y avait pas une révolution. A Béziers, le chef des républicains, le docteur Vernhes, — un de ces démagogues redoutables qui adorent avec joie et inconscience tous les caprices de la foule, un de ces « bons enfans » qu’on croit bons parce qu’ils sont enfans, — est porté par une manifestation à la sous-préfecture et s’y établit. Cette, où les révolutionnaires sont moins nombreux, mais où le port leur fournit des bandes audacieuses et habituées aux hasards dangereux, a pris sa revanche de ses votes conservateurs ; la première, dès le 4 septembre au soir,

  1. Id., p. 1261 à 1263.