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Jeune. Tous deux, le premier en nous décrivant les résidences de ses protecteurs et amis, le second en nous décrivant les siennes, nous renseignent avec assez de précision pour contenter souvent notre curiosité, et les habitations qu’ils dépeignent, dont les unes sont fastueuses, les autres beaucoup plus simples, nous permettent fort bien de nous faire une idée de toutes celles de l’Empire.

Stace a eu deux fois, dans les petites pièces qu’il improvisait sur commande à la louange des grands seigneurs, l’occasion de célébrer des maisons de campagne. Manilius Vopiscus vient de se faire construire sur les rives de l’Anio, à Tibur, une splendide demeure ; Pollius Félix a reçu le poète dans sa propriété de Sorrente : Stace aussitôt de mettre en vers ce double événement, et de chanter les merveilles qu’il n’a pu se lasser d’admirer chez ses riches patrons. Ce qui nous intéresse dans les deux pièces, c’est que, malgré la mythologie dont elles sont pleines, mythologie parfois débordante, elles contiennent sur les villas elles-mêmes beaucoup d’indications dont nous faisons notre profit. Cette poésie de circonstance est une poésie précise. Obligé de produire vite, Stace trouve dans l’énumération des principaux détails que lui fournit l’examen des lieux, une source commode de développemens ; et l’exactitude descriptive lui est ainsi un procédé de composition. Non pas que ce soin aille jusqu’à nous permettre de retrouver le plan même des bâtimens. Un poète n’est pas un architecte. Nous revoyons toutefois très nettement les différentes parties de la villa de Tibur : l’habitation elle-même, séparée par l’Anio en deux moitiés qui, s’avançant chacune au-dessus du fleuve, semblent vouloir se rejoindre et sont si rapprochées en effet que d’un bord à l’autre on peut se voir, se parler, presque se tendre la main ; le pont jeté pour relier les deux demeures, devenues ainsi une demeure unique ; les quais de pierre qui régularisent le courant et le font paisible là où est bâtie la maison, tandis qu’en amont et en aval, agréable contraste, il se précipite impétueux au milieu de rochers qu’il couvre d’écume ; le bois touffu de vieux chênes dont les branches se reflètent dans le miroir des flots transparens ; les thermes où l’eau glacée du fleuve vient se tiédir et se transformer en vapeur sous l’action de l’hypocauste ; les salles à manger bâties sur les rives, pour que le maître puisse prendre ses repas, s’il le veut, bercé par les murmures de l’Anio ; le verger, à la fois ensoleillé