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par des robinets d’argent. Et je ne parle encore que des bains de la plèbe. Mais dans ceux des affranchis, combien de statues, de colonnes qui ne soutiennent rien, qui sont là comme un vain ornement et parce qu’elles coûtent très cher ! Nous en sommes arrivés à ce point de délicatesse que nous ne voulons plus fouler que des pierres précieuses. » Tels étaient aussi les thermes de Manilius Vopiscus. Stace nous les montre remplis des chefs-d’œuvre des maîtres helléniques, et non seulement de ces hautes statues de marbre ou de bronze qui attirent d’abord le regard, mais de ces objets de moindre dimension, statuettes et figurines, qui révèlent encore l’art exquis de la Grèce, de ces joyaux enfin où l’orfèvre, le graveur en pierres fines, ont mis toute la grâce de leur imagination et toute la finesse de leur travail. On se demande jusqu’à quelles folies devaient aller les Romains dans l’embellissement de leurs maisons de ville, si pour leurs maisons de campagne ils se permettaient de telles prodigalités.

Les autres appartemens nous sont décrits par le poète avec moins de détails. Nous devinons cependant des ailes à plusieurs étages réunies par un corps de logis plus bas, un atrium au centre duquel a été conservé un arbre dont le sommet dépasse la toiture. Nous entrevoyons surtout que cette villa n’était pas seulement une résidence d’apparat, mais qu’elle réunissait encore toutes les commodités de la vie. Une conduite d’eau circulait dans toutes les chambres, dont chacune avait sa fontaine spéciale ; chaque pièce en outre offrait une vue différente, celle-ci sur le fleuve qui coulait au pied, celle-là sur la forêt paisible qui s’étendait par derrière. Enfin, ce qui achevait de donner à cette demeure tout son prix, c’était la délicieuse fraîcheur entretenue par les bois, les eaux vives, grâce à laquelle on bravait impunément les feux de Sirius et la dévorante canicule ; c’était aussi l’admirable silence de jour et de nuit, qui laissait à l’heureux Vopiscus le loisir de se consacrer aux Muses.

De l’autre villa célébrée par Stace, celle de Pollius Félix à Sorrente, nous savons moins bien quelle était la composition et l’ordonnance des bâtimens. Mais nous en connaissons mieux le site, les jardins, la nature environnante. Faut-il être surpris que, devant le paysage napolitain, captivé par la mer et le ciel, le poète ait fait dans ses vers une assez large place aux beautés pittoresques, et qu’il ait trouvé d’agréables accens pour chanter la courbe harmonieuse du rivage, la puissance de la végétation,