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Il convenait donc qu’elle s’y établît d’avance, et c’est ce qu’elle voulait réaliser, en poussant ses chemins de fer à travers la Perse vers les ports du golfe Persique, Bender-Bouchir et Bender-Abbas. Une fois ses « transpersans » construits, il lui était fort indifférent qu’une voie ferrée allemande parvînt à Bassorah. Mais, dans l’état actuel des choses, les rails russes ne sont pas près d’apparaître sur les frontières septentrionales de la Perse, et le moment n’est pas encore venu où la locomotive russe pourra rejoindre, sur les bords du golfe Persique, les premiers vapeurs de la Compagnie de navigation partis d’Odessa.


La Flotte volontaire tire son origine d’un concours de circonstances purement politiques. Sa fondation se rattache aux événemens qui ont suivi le traité de San Stefano (3 mars 1878), entre la Porte et la Russie, et amené la réunion du Congrès de Berlin (juin-juillet 1878).

Lorsque les Russes virent l’Europe s’entendre pour leur arracher les avantages de la guerre de 1877, l’escadre anglaise entrer dans la mer de Marmara, l’armée autrichienne prête à occuper la Bosnie, ils furent pris d’une inquiétude extrême. L’impossibilité où ils étaient de s’opposer à une action de l’Angleterre dans la Mer-Noire, provoqua chez eux une explosion de sentimens patriotiques. Si le gouvernement russe, se disait-on, possédait les moyens nécessaires à une guerre régulière, il ne disposait que de faibles armes pour cette guerre de partisans qui, d’après l’exemple du passé, a donné les meilleurs résultats dans les luttes contre l’Angleterre. L’histoire a montré en effet qu’en cas de guerre maritime, les adversaires utilisaient souvent les moyens offerts par la flotte marchande. Or, la Russie ne possédait qu’une flotte marchande insuffisante. Il lui était donc indispensable de la développer, ce qui produirait un double avantage : d’abord, cette flotte satisferait aux besoins du commerce et de l’industrie russes, qui étaient dans la dépendance des étrangers pour les transports maritimes ; ensuite, elle permettrait au gouvernement, en cas de guerre maritime, d’utiliser ses navires contre l’ennemi. Ce seraient des navires de fort tonnage, qui serviraient de navires marchands en temps de paix, de croiseurs auxiliaires en temps de guerre.

Telles étaient les réflexions auxquelles se livraient les Russes, pendant les quelques semaines au cours desquelles, le traité de