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lui sans retour. Ce fut cela même qui le perdit. Le malheureux prit pour lui seul tous ces cris d’allégresse, qui ne s’adressaient qu’au collègue couronné de l’héritière naturelle et bien-aimée de l’Empire. Complètement trompé, il rentra joyeux au Palais, décidé à agir incontinent.

« Michel, — dit de son côté l’historien contemporain Psellos, — avait résolu de chasser Zoé du Palais. Il fallait à cette bête fauve pour lui tout seul la demeure séculaire des basileis. Une fois cette idée logée dans son étroit cerveau, il ne songea plus qu’aux moyens d’exécution. Il communiqua d’abord son dessein aux plus audacieux parmi ses familiers. Puis il interrogea de même ceux en qui il croyait pouvoir mettre quelque confiance ou qu’il estimait plus avisés. Les opinions furent très partagées. On alla jusqu’à le décourager, parce que les astres interrogés demeuraient hostiles. Michel écoutait ces divers avis avec gravité. Surtout il consultait les astrologues. » Psellos poursuit, en nous racontant que cette classe d’intrigans était encore fort nombreuse à cette époque à Byzance. Il dit en avoir connu personnellement plusieurs. « Ce n’étaient point des savans. Ils se souciaient fort peu de connaître les résultats positifs de la science, qu’ils ignoraient du reste absolument. Ils prédisaient tout simplement l’avenir en dressant des horoscopes à cet effet. » « Si je parle d’eux aussi sévèrement, ajoute notre écrivain, c’est que j’ai moi-même étudié très longuement leur prétendue science, sans pouvoir jamais arriver à me persuader que les choses humaines étaient vraiment gouvernées par la marche des astres. » Les réponses de ces charlatans au sujet de l’opportunité de l’acte criminel que méditait Michel furent, paraît-il, si absurdes, si hésitantes que celui-ci finit par éclater de rire. Se moquant de leur fausse science : « Allez au diable, leur cria-t-il ; moi, avec un peu d’audace, j’en ferai bien plus que vous avec tout votre piètre savoir ! »

Aussitôt après le retour de cette procession aux Saints Apôtres, durant laquelle il avait cru si bien tenir la faveur populaire, dans cette même journée du 18 avril, le basileus se mit à l’œuvre. Le misérable n’y alla point de main morte. Il accusa simplement la basilissa d’avoir voulu le faire empoisonner, le tout avec des détails inventés aussi invraisemblables qu’effrontés et ridicules. Zoé, qui, ne se doutant de rien, ignorait toutes ces turpitudes, se vit subitement, par ordre de son collègue, arrachée