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la noblesse territoriale, avaient dès longtemps pris tacitement position dans le camp de la plus jeune des descendantes de la dynastie macédonienne, sans avoir eu jusqu’ici le moyen de le manifester. Aujourd’hui il se présentait, pour cette grande fraction de l’opinion publique quasi sommeillante, une occasion telle qu’il n’y en avait jamais eu.

Quand les chefs de l’émeute qui remplissait la grande Ville de son tumulte, ces chefs mystérieux qui comptaient bien faire tourner au profit de leurs plans secrets les convulsions de la fureur populaire, eurent donc vu la basilissa Zoé faire cause commune, sinon par inclination naturelle, du moins par nécessité, avec son proscripteur ; quand ils purent craindre qu’elle ne fût forcée de se retourner contre ceux mêmes qui, depuis la veille, risquaient leur vie pour la replacer sur le trône, il leur vint soudain à l’esprit, par une heureuse inspiration, d’aller quérir dans sa solitude du Petrion la vieille Théodora, et de faire de son nom un nouveau cri de ralliement pour l’émeute en la proclamant basilissa aux côtés de sa sœur. Ne pouvant plus se servir de l’unique nom de Zoé, habilement monopolisé par Michel, ils tentèrent de le remplacer par celui de Théodora, qui était comme elle de pur sang impérial.

Ce plan, si brusquement conçu, fut exécuté, avec un ordre singulier, une suite tout à fait étonnante au milieu d’un trouble public aussi universel. Un des familiers du défunt basileus Constantin VIII, le patrice Constantin Kabasilas, dont Psellos a, par prudence, négligé de nous dire le nom, que nous connaissons d’autre part, mais dont il fait le curieux portrait que voici : « un des anciens serviteurs du basileus Constantin, un étranger, homme de haute naissance, de maintien superbe et majestueux, » se mit à la tête de la manifestation nouvelle, avec les anciens eunuques de son maître, une grande partie du Sénat et un immense concours populaire. On courut, dans le plus grand ordre, au monastère de Petrion dont on eut tôt fait de forcer la clôture. C’était vers le milieu de l’après-midi. Préalablement, on s’était précipité à Sainte-Sophie où le patriarche Alexis, de retour dans la capitale, officiait. Nous devons ce détail à Skylitzès. Il semble donc bien que ce prélat, qui haïssait le nouveau basileus et qui était fort dévoué à la basilissa, avait négligé d’obéir à l’injonction de Michel d’avoir à se retirer dans son monastère. Du récit de Skylitzès il résulte encore que le vieux