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du Stoudion que nous trouvâmes entourée d’une foule immense l’émeutiers en armes qui assaillaient de toutes parts le saint édifice pour le démolir dans leur rage folle. Nous eûmes une peine infinie à nous frayer un chemin pour y pénétrer, car une autre foule plus nombreuse, plus enragée, d’aspect plus terrible encore, y était déjà assemblée. Tous ces gens, roulant des yeux furibonds, vomissaient au milieu d’un vacarme effroyable les injures et les menaces les plus abominables contre les malheureux réfugiés.

« Je n’avais pas pris parti jusque-là bien vivement. Cependant je n’étais pas insensible aux infortunes de la basilissa et j’étais assez violemment irrité contre le basileus à cause de sa conduite abominable envers sa bienfaitrice. Mais quand, après avoir, avec toute la peine imaginable, fendu cette foule compacte, j’arrivai à l’autel et que j’eus aperçu les deux malheureux, le basileus à genoux, tenant embrassée la sainte Table de l’autel, le nobilissime debout, à sa gauche, tous deux méconnaissables dans leurs vêtemens sordides, tant la confusion et l’épouvante de la mort altéraient leurs traits, toute ma colère s’évanouit avec la rapidité de l’éclair. Comme frappé de la foudre, je demeurai stupide et muet devant une si complète et si soudaine catastrophe. Je me mis à maudire la vie qui peut nous faire commettre des actes aussi insensés. Un flot de larmes me monta aux yeux. Touché de compassion pour une si affreuse infortune, je me mis à sangloter et à gémir.

« Cependant la foule hurlante pressait de plus en plus les deux victimes, et toutes ces bêtes fauves menaçaient de les mettre en pièces. Et moi, je me trouvais debout au côté droit de l’autel, versant des larmes. Alors les deux malheureux agonisans m’apercevant, me reconnurent. Voyant que je ne les injuriais pas comme les autres, mais que la pitié m’arrachait des pleurs, saisissant mon regard, ils se précipitèrent de mon côté comme pour se mettre sous ma protection. Une conversation haletante, étrange et dramatique, s’établit hâtivement entre nous. Je commençai par blâmer doucement le nobilissime de s’être joint au basileus pour maltraiter la basilissa. Puis, m’adressant à ce dernier, je lui demandai ce qu’il avait à reprocher à sa mère et sa souveraine pour avoir osé méditer contre elle un tel forfait. Tous deux tentèrent de s’excuser. Le nobilissime me jurait qu’il n’avait ni aidé, ni encouragé en rien son neveu. Il affirmait même