Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le passé, ils en prononcent une nouvelle contre l’ « Union maritime, » et contre tous ceux qui auraient l’audace de s’y affilier. C’est donc une lutte à soutenir. Les ouvriers qui iront à l’ « Union maritime » seront l’objet de toutes sortes de vexations et même de violences. Le gouvernement les défendra-t-il ? les protégera-t-il ? Tout est là. Si le gouvernement remplit son devoir, l’ « Union maritime » prospérera ; dans le cas contraire, elle périclitera. Il faut en revenir toujours à la même conclusion, à savoir que la véritable, la seule garantie efficace est dans le respect de la loi. La loi donne à l’industrie des garanties très suffisantes ; mais à la loi elle-même, qui en donnera ?

Il s’est passé, au cours de la grève de Marseille un fait très intéressant, et qui serait même très rassurant si les ouvriers se sentaient vraiment libres. Des négociations entre les armateurs et les dockers ou les inscrits ont eu lieu par l’intermédiaire de M. Le Mée de la Salle, président de la Chambre de commerce : nous rendons, comme il est juste, hommage à son initiative généreuse et dévouée, bien qu’elle n’ait pas atteint son but. Une des revendications nouvelles des dockers était la journée de huit heures ; les armateurs déclaraient ne pouvoir pas l’accepter. Toute conciliation semblait impossible ; on a décidé de soumettre la question à un référendum. Le référendum n’est pas une panacée ; il ne résout pas toutes les difficultés ; mais il peut être utilement appliqué à quelques-unes, et l’expérience vient de le montrer. Le vote a été secret, bien entendu ; s’il ne l’avait pas été, le résultat aurait probablement été tout autre : l’intimidation, alors, aurait pu s’exercer sur les ouvriers. Mais, qui vote secrètement, vote librement. Aussi la journée de huit heures a-t-elle été rejetée à une majorité considérable. Cela ne veut pas dire que les ouvriers ne désirent pas que la durée de leur travail soit réduite : ils ne seraient pus des hommes, s’ils n’avaient pas ce désir ; mais cela signifie qu’ils veulent la conciliation avec les armateurs, et qu’ils aiment mieux travailler une heure de plus, que de ne pas travailler du tout. Que de difficultés seraient résolues, que de conflits seraient apaisés, si on interrogeait les ouvriers directement, et dans des conditions qui leur permettraient de répondre sans crainte ! Mais on le fait bien rarement, et qui sait si le résultat du référendum de Marseille ne détournera pas les meneurs d’en recommencer l’expérience ?

Peut-être aurions-nous dû exposer toutes les propositions et contre-propositions présentées de part et d’autre ; peut-être aussi nos lecteurs y auraient-ils trouvé plus de fatigue que d’intérêt. C’est le sens général de l’événement que nous avons voulu dégager, et on