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à l’impératrice Catherine II le projet d’un port à créer dans cette rade ; et c’est seulement au début du XIXe siècle que les émigrés français Voland, Langeron et Richelieu, jetèrent les fondemens du premier port de commerce de la Russie. Encore Saint-Pétersbourg et Odessa sont-ils, après Arkhangelsk, les doyens des ports russes ; les autres sont tous de fondation plus récente, quelques-uns tout à fait contemporaine. En résumé, si l’existence politique de la Russie moderne date de deux cents ans à peine, son développement commercial, industriel et maritime s’est opéré de nos jours, et presque sous nos yeux.

Les Russes ont toujours fait appel, dans le cours de leur histoire, au concours des étrangers. Aussi bien aux temps de Pierre le Grand et de Catherine II que de nos jours, ce sont des étrangers qui leur ont enseigné les méthodes, les procédés, les arts de l’Occident, qui leur ont appris à tirer parti de leurs richesses minérales ou agricoles, fourni les capitaux nécessaires, pourvu à leurs besoins. Les vestiges de cet état de choses se retrouvent dans la situation du commerce en Russie. Le commerce extérieur est encore, en majeure partie, entre les mains d’intermédiaires étrangers. Ces intermédiaires allemands, anglais, suédois, grecs ou français, installés dans les principaux centres de Russie, ont naturellement recours, pour leurs expéditions et leurs commandes, aux Compagnies de navigation de leurs propres pays, qui ont des agences dans tous les ports qu’elles visitent, tandis que les rares Compagnies de navigation russes n’ont pas d’agences dans les ports d’Europe, où leur pavillon ne se montre d’ailleurs que de loin en loin.

L’exemple le plus frappant de cet état de choses est fourni par la place de Saint-Pétersbourg. Tandis que cette ville compte à peine 1 800 Français, les Allemands y sont au nombre de 1 5000, sans compter 200 000 sujets russes d’origine allemande, qui sont, pour leurs congénères étrangers, les plus utiles auxiliaires. A Saint-Pétersbourg, l’instruction et l’éducation de la classe marchande sont peu avancées. Peu versé dans le calcul du change, dans les questions de prêt, d’assurance, d’escompte, le marchand russe n’aime pas à traiter les affaires par correspondance. Il préfère traiter avec un commerçant qui lui livrera la marchandise rendue à domicile, à un prix exprimé en roubles. Les Allemands n’ont pas tardé à tirer parti de ces observations. Mettant à profit l’affinité de race et de langage qui existe entre