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recueillir au chevet des agonisans ; tantôt le droit légalement établi pour les enfans d’être reçus dès l’âge de sept ans « à faire abjuration de la R. P. R, sans que leurs pères et mères et autres parens y puissent donner le moindre empêchement. » Pour éviter toute fraude, les peines s’accumulent contre les relaps, qui se voient condamnés à l’amende honorable, à la confiscation et au bannissement. Enfin lorsque Louvois eut imaginé « de mêler du militaire à la chose, » ce furent les horreurs des missions bottées, de la propagande par le mousquet et des dragonnades.

Autour du clergé l’espionnage légal est solidement organisé : les pasteurs sont, pour leurs sermons, soumis aux tribunaux ; ils ne peuvent, au prêche, faire allusion aux doctrines de l’Église catholique et, sous peine de prison, y parler des événemens politiques et du « malheur des temps. » L’exercice de leur ministère est entouré de tant de restrictions, qu’il devient impossible : interdiction de prendre le titre de docteur en théologie, de porter la soutane en dehors des temples, de publier, sans l’autorisation des magistrats catholiques, des ouvrages de religion, de célébrer le culte dans une localité où un évêque se trouve de passage, ou à l’heure des processions, de présider à des cérémonies funèbres autrement qu’à la pointe du jour ou à la tombée de la nuit et d’y admettre plus de dix assistans, de bénir des mariages hors des temps autorisés par l’Église romaine et en présence de plus de vingt témoins, de procéder à des conversions, sous peine de mille livres d’amende, puis de bannissement et de confiscation de biens, de tenir sur les ruines des temples abattus des assemblées déclarées illicites, de recevoir de leurs ouailles aucun traitement ou aucune indemnité. Contre les Eglises, les édits succèdent aux édits : dès 1661, des commissions sont chargées de vérifier les droits d’exercice dans les lieux contestés ; toute église qui ne peut exciper d’une autorisation régulière, ou qui a perdu ses titres, est fermée, et c’est ainsi que, dans le seul Béarn, sur 86 temples et 46 églises de résidence, les lieux d’exercice furent réduits à 20. Les cérémonies du culte sont interdites dans les temples, hors des heures accoutumées, les testamens renfermant des legs en faveur des consistoires sont frappés de nullité, les rentes ou immeubles appartenant aux églises supprimées sont confisqués, de même que les subventions adressées par les paroisses riches aux églises moins fortunées et que les sommes recueillies pour les pauvres