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là où l’exercice était toléré, l’hospitalisation des malades est prohibée, les colloques et synodes sont supprimés, les consistoires ne peuvent se réunir qu’en présence d’un commissaire catholique, les églises où de nouveaux convertis ont été signalés, sont rasées et les fidèles privés de tout culte.

L’enseignement enfin est réglementé par les prescriptions les plus rigoureuses, qui limitent tant les matières qu’il est licite aux Réformés de professer, que le nombre des écoles qu’ils peuvent posséder : une seule école et un seul maître par lieu d’exercice, avec la très exclusive permission de n’enseigner « dans les dictes écoles qu’à lire, écrire, et l’arithmétique seulement. » Le nombre des établissemens scolaires fermés par suite de l’édit du 4 décembre 1671 est incalculable ; à Marennes où les Réformés comptaient quelques écoles, l’intendant, après en avoir fermé 8, écrivait à Châteauneuf : « Les parens pourront envoyer leurs enfans chez des maîtres catholiques, quand ceux de la dicte religion ne suffiront pas. » A la veille de la Révocation, la capacité enseignante était définitivement refusée aux protestans, suivant les termes de l’édit du 6 janvier 1685 qui supprimait leur Académie de Saumur, « avec très expresses inhibitions d’enseigner dans la dicte ville aucunes sciences ou langues, soit publiquement, soit en allant dans les maisons particulières, sous peine de désobéissance et de 3 000 livres d’amende. »

Le 18 octobre 1685, Louis XIV signait l’acte définitif sur-lequel il comptait « pour faire rentrer tous ses sujets dans le sein de l’Église. » L’édit de Révocation parachevait l’œuvre de vingt-cinq années de persécutions ; il résumait en un code unique les prohibitions antérieures, dont il aggravait, encore pour les protestans toute la douloureuse amertume, car il comportait en fait la déclaration d’une incompatibilité radicale entre la qualité de Réformé et l’état de sujet du Roi très chrétien. « Si vous êtes réduits à l’impossible, tant pis pour vous, nous en profiterons, » avait un jour déclaré le chancelier aux ministres protestans. « L’impossible » avait été tenté pour assurer le triomphe de l’unité dogmatique. Il est permis de dire, après plus de deux siècles, que ni la monarchie ni l’unité nationale n’ont « profité » de cette politique qui laissait, à la mort de Louis XIV, la France appauvrie, amoindrie et ensanglantée.


Cent sept années plus tard, le sectarisme révolutionnaire