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Le président du Conseil nous l’avait laissé entrevoir, il y a deux ans, lorsqu’il disait à la tribune de la Chambre (18 juin 1902) : « Il n’y a aucune raison pour que l’État n’interdise pas l’enseignement soit à des individus, soit à des congrégations dont les doctrines et les intérêts sont en opposition absolue avec les doctrines fondamentales et les intérêts généraux dont nous avons la garde. » Le Sénat lui a dernièrement donné, pour le passé un bill d’absolution et pour l’avenir un blanc-seing ; en excluant de l’enseignement secondaire les membres de toutes congrégations (autorisées ou non) ; et déjà on a fait entrevoir à la haute assemblée l’espoir d’un projet de loi par laquelle les fonctions enseignantes seraient interdites à tout citoyen ayant fait vœu de chasteté et d’obéissance7ce qui, en langage commun, suffit à désigner l’ensemble du clergé séculier. Cette conception du rôle de l’État se résume dans un mot très net de l’un des leaders les plus brillans du parti socialiste : « Il importe qu’au futur citoyen l’État impose sa doctrine. »

Jusqu’à ce jour, les apologistes de l’étatisme. nous avaient donné peu de définitions de cette « doctrine » qu’il s’agit d’imposer : ils procédaient plutôt par négation que par affirmation, et par voie destructive plutôt que par construction. Nous savions qu’ils rendent hommage à la Raison ; qu’ils s’attachent à faire triompher « la liberté de l’esprit humain, » et que c’est parce qu’ils servent et la Raison et la Liberté qu’ils n’aiment ni la raison ni la liberté des autres. Nous savions qu’il en est qui se disent « philosophes spiritualistes » et qui s’inclinent devant « la loi du Promus, » philosophie que d’autres paraissent, dans leur propre camp, trouver singulièrement pauvre et rétrograde. Ils nous faisaient, en revanche, plus volontiers connaître ce qu’ils nient, car sur ce point l’entente est plus facile ; et ce qu’ils nient c’est l’idée chrétienne et la nécessité même de la croyance religieuse ; ce qu’ils combattent avant tout, suivant une expression, imprévue pour le moins dans la bouche d’un ministre des Cultes, « ce sont les ministres de la religion. » Le président du Conseil s’efforce de prouver « qu’à l’époque où les vieilles croyances plus ou moins absurdes et en tout cas erronées tendent à disparaître, c’est dans les Loges que se réfugient les principes de la vraie morale ; » le garde des Sceaux déclare : « avec la Foi, on fait des croyans mais aussi des sujets, avec la Raison, des citoyens ; » le ministre de la Marine, étendant en dehors de