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quinze ans ou de seize ans, où elle commença à se dévier et à devenir contrefaite. Diderot, qui le vit un peu après cette époque, a pu le peindre difforme ; mais il ne l’était pas dans sa jeunesse. Il aimait la musique. On lui avait appris à battre la mesure avec justesse et à danser avec grâce. Toutefois, Buffon a dit de lui qu’il marquait peu de raison. Il ne put en effet apprendre à lire. Il plaisait à la façon d’un petit animal apprivoisé. Comme tous ses pareils, il vieillit prématurément. Il commença d’entrer en décrépitude à l’âge de vingt-deux ans, et il mourut de vieillesse, en 1764, à l’âge de vingt-six ans.

La seconde catégorie est plus parfaite ; elle correspond à l’infantilisme partiel. Le squelette et l’apparence extérieure restent ce qu’ils sont chez l’enfant ; mais l’intelligence progresse et l’appareil de la reproduction arrive à maturité. On a alors le spectacle d’un adulte dans le moule d’un enfant. Parmi les nains célèbres qui ont réalisé cette condition d’une manière plus ou moins complète, on en peut citer deux : Borulawski, le nain de la comtesse Humiecska, et Jeffery Hudson, qui fut le nain de cour d’Henriette de France.

Borulawski était un gentilhomme polonais, presque exactement contemporain du Bébé du roi de Pologne, mais il était plus petit encore. Buffon, qui le vit à Paris en 1760, lui attribue une hauteur de 28 pouces, c’est-à-dire de 75cent, 6. Son corps était bien proportionné, et ses mains petites. Il avait l’esprit vif. Il parlait l’allemand et le français. Un de ses frères n’avait que 91 centimètres de taille ; une de ses sœurs, également, était naine, et avec cela, remarquable par sa gentillesse et son intelligence. Il mourut en décrépitude, à l’âge de trente ans.

Quant à Jeffery Hudson, le fou de cour d’Henriette de France, il réalisait un des plus hauts degrés de perfection auxquels un nain puisse prétendre. C’était véritablement un homme complet dans l’enveloppe d’un enfant. Il eut des aventures galantes et un duel, dans lequel on prétend qu’il tua son adversaire.

Le répertoire des nains connus, cités par les chroniqueurs, est assez étendu pour qu’on puisse trouver un certain nombre d’exemples de l’une et l’autre catégorie. Quelques-uns de nos contemporains ont vu ce général Tom-Pouce qui s’exhibait à Paris vers 1840 et qui, en 1863, jouait le rôle du Petit Poucet sur la scène du théâtre des Variétés. — D’autres, plus récemment, ont pu connaître le couple qui était présenté au public sous le nom de prince et princesse Colibri. — Mais, même en totalisant tous ces exemples depuis l’antiquité jusqu’à nos