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jours, on n’arriverait encore qu’à un total très restreint. Les nains bien faits sont, dans l’humanité, une même exception. Les nains contrefaits sont plus nombreux, comme on va le voir.

Mais avant de quitter ceux-ci, c’est-à-dire les nains infantiles, demandons-nous quelles sont les causes de leur état. Ce sont des êtres en déchéance plus ou moins marquée ; mais on ne peut dire que ce soient des malades. Les stigmates de cette déchéance physiologique sont évidens chez les nains de la première catégorie comme le Bébé du roi de Pologne : c’est l’intelligence bornée, le caractère impulsif et irritable, l’infécondité des femmes et l’impuissance des hommes.

Chez tous, c’est la brièveté de la vie. Tous, même les plus parfaits, comme Jeffery Hudson ou Borulawski, ont une vieillesse précoce et meurent prématurément. Les raisons de cette déchéance ainsi que de l’arrêt de croissance dont elle est l’effet et qui immobilise l’enfant à une étape de son évolution, sont encore profondément obscures. Elles ne sont point pathologiques, à proprement parler. Elles ne sont pas la manifestation d’une maladie précise et cataloguée en médecine. Les embryologistes, et parmi eux Dareste, ont insisté beaucoup sur cette distinction entre les troubles de la santé et ceux du développement. Ils veulent que ce soient deux ordres de phénomènes distincts. Ils pensent encore que ces anomalies du développement, qui créent les nains et qui ne deviennent évidentes qu’à un certain moment de la vie, se préparaient depuis longtemps. Elles remonteraient aux premiers temps de la vie embryonnaire.

Les nains dont il nous reste à parler sont, au contraire des précédens, justiciables de la pathologie. Ils sont atteints d’une affection du tissu cartilagineux, véritable matrice du squelette qui se trouve, par cela même, empêché de se former normalement et donne lieu à des êtres contrefaits.


V

Les nains contrefaits sont, de beaucoup, les plus nombreux. C’est dans cette catégorie qu’il faut placer la plupart des bouffons et des fous qui ont fait l’amusement des cours princières, depuis le temps des empereurs romains jusqu’au XVIIe siècle. Leur difformité toujours pareille n’était pas trop déplaisante puisqu’elle n’empêchait point l’engouement dont ils ont été l’objet pendant des siècles et que peut-être, par son caractère grotesque, elle l’expliquait plutôt. Cette malformation a son origine dans une maladie des cartilages, l’achondroplasie