Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/739

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quant à la pensée commune, il expliquait nettement qu’elle se résumait dans l’affirmation de la souveraineté des Puissances, dans le vœu universel d’une paix solide et durable, dans la décision prise de n’examiner rien autre chose que la Convention turco-russe ; et il exprimait l’espoir d’une prompte conclusion, facilitée par des concessions équitables et par une bonne volonté mutuelle.

Tel était donc l’aspect des choses, et, si la profonde signification du Congrès demeurait dans l’ombre, toutes les dispositions avaient été prises pour assurer le succès des négociations orientales qu’il allait poursuivre, et auxquelles seules se rattache désormais notre étude. Nous n’avons plus à nous préoccuper du caractère général de la haute assemblée dans les annales du siècle, et nous devons maintenant concentrer notre attention sur les délibérations, sur les hommes qui les ont dirigées, sur les incidens politiques ou anecdotiques du séjour à Berlin, et sur les décisions plus ou moins heureuses résumées dans le traité final. Ce n’est pas tout sans doute, mais c’est uniquement ce que nous avons vu, et n’étant qu’un modeste témoin, nous n’avons pas à en dire davantage.


IV

L’opinion, dans tous les pays, approuvant pleinement la procédure adoptée par les Cours et voulant, avant tout, la fin des inquiétudes que lui inspirait l’Orient, ne marchandait, pas aux plénipotentiaires la confiance et la popularité. Ajourner les questions irritantes, au moyen d’une manifestation pacifique unanime, tel était son objectif suprême ; et elle suivait les préparatifs de la réunion internationale avec une curiosité bienveillante. Sans s’arrêter à ce qu’il y avait de factice et d’aléatoire dans une entente bornée à un seul différend, et qui ne pouvait s’établir qu’en laissant de côté tous les autres grands intérêts du monde, on attendait l’ouverture des séances comme un événement heureux. Les cercles diplomatiques, les salons, la presse commentaient, exactement ou non, les intentions des personnages investis des pleins pouvoirs de leurs gouvernemens. Tout s’effaçait devant cette pensée intense : on laissait provisoirement de côté les autres affaires du moment, pour ne s’entretenir que des difficultés soumises à l’étude des plus illustres hommes d’Etat.