Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/747

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autographe, par lesquelles il proposait à ses collègues d’adresser à l’empereur Guillaume leurs vœux « pour le prompt rétablissement de sa santé. » La présidence fut déférée ensuite au chancelier d’Allemagne, suivant l’usage, et le secrétariat fut agréé et introduit. On s’assit alors, et le Président, seul debout, prononça d’abord une courte allocution de bienvenue et de remercîment, puis il lut une allocution, d’une remarquable orthodoxie politique et qui se résumait dans le passage suivant : « Le traité de San Stefano étant, sur plusieurs points, de nature à modifier l’état des choses, tel qu’il se trouve fixé par les conventions européennes antérieures, » doit être « soumis à la libre discussion des Cabinets signataires des actes de 1856 et de 1871, pour assurer, d’un commun accord, et sur la base de nouvelles garanties, la paix dont l’Europe a tant besoin. » Cette affirmation du droit des Puissances d’examiner toute modification des traités signés par elles, était sans doute excellente et parfaitement à sa place ; mais il pouvait sembler assez étrange qu’elle fût énoncée comme une vérité absolue, et avec tant de conviction apparente, par le même homme qui, sans consulter personne, avait successivement changé la situation assurée au Danemark par le traité de Londres, à la Confédération germanique, à l’Autriche et à la France, par les traités de Vienne. Toutefois, — et sans se faire illusion sur la valeur pratique d’une aussi belle théorie, invoquée par l’homme d’Etat qui l’avait le moins observée, — on n’avait qu’à se féliciter de la voir si explicitement proclamée, et l’adhésion unanime des plénipotentiaires rendait service à la cause du droit international si souvent dédaigné.

L’objet de leurs travaux étant ainsi défini, les assistans prirent l’engagement de garder le secret sur leurs délibérations. J’aime à penser que tous y ont été fidèles, bien que, par suite sans doute de quelques inadvertances, l’exactitude de certaines informations de la presse n’ait pas laissé, à plusieurs reprises, de nous surprendre. On plaça, aussitôt après, la question bulgare en tête du prochain ordre du jour, et l’on allait se séparer, quand un incident imprévu mit un instant aux prises les représentans de l’Angleterre et de la Russie. Soit que lord Beaconsfield voulût marquer sur-le-champ l’antagonisme des deux Cours, soit plutôt qu’il prétendît donner satisfaction aux défiances de l’opinion britannique, il demanda expressément que les troupes russes campées auprès du Bosphore en fussent éloignées d’urgence. Sa