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quelques-unes à Lemaire de Belges, Ronsard les manie toutes avec la même aisance, — on serait tenté de dire avec le même sourire d’athlète vainqueur ; — et on ne saurait imaginer, sans l’avoir lu de très près ; le parti qu’il tire, pour construire ces choses en solidité, du vers sautillant de huit, ou du vers impair et comme boiteux de sept syllabes. Il a d’ailleurs une prédilection marquée, dans ses premières Odes, pour les mètres impairs.


L’hymne qu’après tes combats,
Marot fit de ta victoire,
Prince heureux, n’égala pas
Les mérites de ta gloire.
Je confesse bien qu’à l’heure,
Sa plume était la meilleure,
Pour ombrager simplement,
Les premiers traits seulement !
Étant né d’un meilleur âge,
Et plus que lui studieux,
Je veux parfaire l’ouvrage,
D’un art plus laborieux…
Livre I, Ode VI.
[ La victoire de François de Bourbon, comte d’Enghien, à Cérisoles.]


D’autres combinaisons sont plus savantes et plus insolites, comme celles de l’Ode à la fontaine Bellerie [II, Ode IX] que l’on pourrait appeler, en vérité, le triomphe de l’impair, soit cinq strophes ou stances, de sept vers chacune, et ces vers de sept syllabes :


O fontaine Bellerie !
Belle fontaine chérie
De nos nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source,
Fuyantes le satyreau,
Qui les pourchasse à la course
Jusqu’au bord de ton ruisseau…


Voici encore un joli entrelacement de rimes :


Fais rafraîchir mon vin de sorte,
Qu’il passe en froideur un glaçon ;
Fais venir Jeanne, qu’elle apporte
Son luth pour dire une chanson,
Nous ballerons tous trois au son !
Et dis à Barbe qu’elle vienne,
Ses cheveux tors à la façon
D’une folâtre Italienne !
[Livre II, Ode X.]