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Il eût mieux dit encore, — au lieu des « pas d’Orphée, » — s’il eût dit les traces d’Aratus, de Callimaque, d’Apollonius et de Théocrite. Les poètes de la Pléiade, on ne saurait trop le rappeler, ont beaucoup fréquenté chez les Alexandrins, et, de toutes les qualités qu’ils eussent aimé leur emprunter, aucune peut-être ne les a séduits davantage que leur manière de traiter la mythologie, dont les fictions n’étaient déjà plus, pour ces Grecs trop civilisés, que le symbole ou l’enveloppe de vérités morales et philosophiques, scientifiques même, comme dans Aratus, à moins, et plus souvent encore, qu’elles ne fussent, de tous les contes, les plus propres à recevoir une forme d’art. Le charme de ces contes, la beauté complexe de ces mythes, leur signification symbolique, c’est ce que Ronsard a vivement ressenti ; c’est ce qu’il a tâché de faire passer dans ses Hymnes, et, — n’était une prolixité que ses modèles avaient soigneusement évitée, — c’est ce qu’on louerait volontiers dans l’Hymne de Calays et Zéthès, par exemple, et dans celui de Castor et Pollux. On en retrouve quelque chose dans ce passage de l’Hymne de l’Or :


On dit que Jupiter, pour vanter sa puissance,
Montrait un jour sa foudre, et Mars montrait sa lance,
Saturne sa grand’faulx, Neptune ses grand’s eaux,
Apollon son bel arc, Amour ses traits jumeaux,
Bacchus son beau vignoble et Cérès ses campagnes,
Flora ses belles fleurs, le Dieu Pan ses montagnes,
Hercule sa massue, et bref, les autres Dieux,
L’un sur l’autre vantaient leurs biens à qui mieux mieux.
Toutefois ils donnaient par une voix commune
L’honneur de ce débat au grand prince Neptune,
Quand la Terre leur mère, épointe de douleur
Qu’un autre par sur elle emportait cet honneur,
Ouvrit son large sein, et, au travers des fentes
De sa peau, leur montra les mines d’Or luisantes,
Qui rayonnent ainsi que l’éclair du Soleil
Quand il luit au Midi…


Les Dieux, émerveillés, lui demandent alors à l’envi,


De leur donner un peu de cela radieux
Que son ventre cachait, pour en orner les cieux ;


et qu’ils ne nommaient point, parce qu’en ce temps-là,


L’Or, pour n’être connu, ne se nommait encore.