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De paillards, continens ; de menteurs, véritables ;
D’effrontés, vergogneux ; de cruels, charitables ;
De larrons aumôniers ; et pas un n’a changé
Le vice dont il fut auparavant chargé.
[ Continuation, etc.]


Et, puisque enfin vous n’apportez aucune bonne raison qui doive nous faire pencher de votre côté, pourquoi voulez-vous que nous nous détachions de la religion commune, traditionnelle, — et nationale ?


Car l’amour du pays, et de ses lois aussi,
Et de la vérité, me fait parler ainsi !


Ces deux derniers vers achèvent de préciser la nature du catholicisme de Ronsard. Il ne parle pas en théologien, ni en controversiste, quoi qu’il le pût, s’il le voulait bien ! Et, à ce propos, on ne saurait s’empêcher d’admirer la lucidité et la précision avec lesquelles, toutes les fois que le développement de sa pensée l’exige, il aborde les questions même dogmatiques.


Le soir que tu donnais à la suite ton corps,
Personne d’un couteau ne te pressait alors
Pour te faire mentir, et pour dire au contraire
De ce que tu avais délibéré de faire.
Tu as dit simplement d’un parler net et franc
Prenant le pain et vin : C’est cy mon corps et sang,
Non, signe de mon corps ; toutefois ces ministres,
Ces nouveaux défroqués, apostats et bélistres,
Démentent ton parler, disant que tu rêvais
Et que tu n’entendais les mots que tu disais.
[ Remontrance au peuple de France.]


Mais encore une fois, c’est surtout en « Français » qu’il s’exprime, comme étant de son pays autant que de sa religion, ou peut-être, et pour mieux dire, comme ne séparant pas la grandeur et la prospérité de son pays d’avec la religion qui l’a fait ce qu’il est. Quel Français, ou quel catholique voudra lui reprocher d’avoir ainsi solidarisé, de manière à ne plus les distinguer lui-même l’une de l’autre sa croyance et son patriotisme ? Et si quelque chrétien, plus mystique, ne prétendait voir dans cette « religion » qu’une « politique, » nous n’en disconviendrions pas, puisque c’est justement ce que nous disons ; mais nous sommes ici dans la réalité de l’histoire ; il s’agit d’expliquer