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terme des décisions qui se succèdent une banqueroute dont la honte retombera sur leurs noms, dont la responsabilité pèsera peut-être sur leurs biens. Contraints de faire sa part à la passion qui menace la richesse de tous, ils croient habile de sauver les capitalistes en livrant le patrimoine du clergé.

Les prolétaires du Comité sont passifs dans les mesures contre l’Eglise, comme dans les efforts contre l’étranger. Si un instinct naturel et vainqueur des sophismes répond en leur cœur à l’appel de la patrie menacée, et les empêche de désavouer l’effort entrepris pour la défendre ; si les préjugés répandus en eux contre l’Eglise par la propagande bourgeoise, et la croyance passée en article de foi que le catholicisme est antirépublicain, les disposent à s’associer aux rigueurs proposées contre lui, les idées abstraites de patrie et de culte ne sont pas les idées maîtresses de leur intelligence et de leur volonté. Les périls de la domina-lion allemande ou romaine leur semblaient bien secondaires en comparaison de l’accaparement capitaliste, qui était pour eux la vraie défaite et la servitude. Le rêve de domination qui occupe le riche entre ses repas ne suffit pas au pauvre, pour qui le problème est de s’assurer ses repas ; s’il désire le pouvoir, ce n’est pas pour satisfaire son orgueil, mais sa faim. Dès que les prolétaires du Comité tinrent ce pouvoir, leur premier, leur unique mouvement fut pour étendre la main sur les avantages de la vie. Les confiscations des biens ecclésiastiques, loin d’apaiser cette cupidité, l’excitèrent. Quand ils eurent constaté, grâce aux motions des bourgeois, avec quelle facilité l’arbitraire disposait des personnes et des propriétés, ils appliquèrent aux riches les mêmes mesures prises contre les clercs. Tous les décrets spoliateurs des fortunes particulières furent proposés par des ouvriers, votés avec enthousiasme par les prolétaires du Conseil. Rendre au pauvre sa part trop longtemps occupée par le riche était à leurs yeux la grande mission du pouvoir. À cette fonction nouvelle de la puissance ils avaient donné un symbole : c’est pour distinguer leur révolution sociale de la révolution politique faite par la bourgeoisie, en 1789, qu’ils avaient substitué le drapeau rouge au drapeau tricolore. Les bourgeois, tolérés et suspects, du Comité n’osèrent pas se désigner à l’animadversion de cette majorité compacte et résolue : ils votèrent les décrets les plus spoliateurs, et, comptant sur les embarras mêmes qu’ils n’avaient pas le courage de prévenir, espérèrent que