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M. Combes pratique la politique « essentiellement agissante » du Bloc, aurait collectionné « les faits politiques » comme Spencer relevait les faits sociologiques, celui-là aurait un bel Album of political facts ; et je crois sincèrement qu’il serait impossible d’imaginer une suite d’actes qui ressemblent moins aux actes d’un gouvernement, si même ils ne sont pas directement contraires à ce qu’en n’importe quel temps et en n’importe quel pays on est en droit et on a l’habitude d’attendre de n’importe quel gouvernement. Il ne s’agit plus ici de la personnalité ou de la personne de M. Combes : nous en avons déjà trop dit en analysant si longuement un de ses discours. A quelque haut prix qu’il s’estime, un politicien sans préparation politique, promu par le hasard ou par l’intrigue au rang éminent d’homme d’Etat, n’est jamais en lui-même, ni pour plus que la durée de son passage au pouvoir, aussi intéressant qu’il se flatte de l’être. Ce qui compte en lui, ce n’est pas lui, ce sont ses actes, parce qu’ils peuvent avoir des effets qui se prolongent bien au-delà de sa fugitive et occasionnelle importance. Ainsi les actes de M. Combes témoigneront de lui, quand il aura cessé d’être M. le président du Conseil, et il est fort à craindre qu’ils ne témoignent pas pour lui.

Chef du gouvernement et par-là même chef suprême de l’administration, premier ministre et, comme tel, participant, dans la mesure où il devrait donner la direction générale, à la gestion de tous les ministères, responsable encore une fois, non pas légalement, mais moralement, et solidaire de tous ses collaborateurs, que laisse-t-il faire aux compagnons de fortune qu’il s’est délibérément associés, ou mieux, que ne leur laisse-t-il pas faire ? que sont devenus en ses mains l’administration et le gouvernement ? On ne sait vraiment par quel bout commencer, et, des onze ministères qui sont censés pourvoir au bonheur de la France, auquel s’arrêter. Commençons par Jupiter, par M. Combes lui-même et le ministère de l’Intérieur. Outre la discipline ecclésiastique, — car il est aussi, d’abord et surtout, ministre des Cultes, — il s’est distingué particulièrement, au cours de ces deux années de politique « agissante, » en deux sortes d’affaires : les élections et les grèves.

Les élections : c’est le critérium, la norme et comme la conscience extérieure de M. le président du Conseil. La preuve que sa politique est bonne, c’est que les élections sont bonnes ;