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Hélas ! il faut pourtant reconnaître que ce secret demeure tout entier. Ou plutôt il y a, en effet, l’une des accusations portées contre la jeune femme, et la plus grave de toutes, que nous savons désormais absolument fausse : Costanza, cela paraît certain, n’a jamais tenté d’empoisonner son mari. C’est ce qu’avait affirmé déjà, comme je l’ai dit, le célèbre médecin et professeur Tommasini, de Bologne, qui avait vu le mourant à ses derniers jours ; et en vérité ni la conduite de Costanza avant et après la mort de son mari, ni le récit le plus détaillé des circonstances de cette mort, ne permettent de supposer, si peu que ce soit, qu’elle ait pu y prendre une part criminelle. Sur ce point la lumière est faite définitivement. Mais Costanza Monti, si certes elle n’a pas empoisonné son mari, est-elle cependant tout à fait innocente de sa mort ? N’a-t-elle pas contribué, par son indifférence ou sa dureté, par les chagrins de tout genre qu’elle lui a causés, à aggraver son mal et à hâter sa fin ? Mlle Romano, avec un beau courage, soutient qu’il n’y a pas l’ombre d’un reproche qu’on ait le droit de lui adresser : que, loin d’avoir été une femme criminelle, pas une fois elle n’a cessé d’être la plus vertueuse des femmes ; et que toutes les accusations qu’elle a eu à subir, et l’épouvantable supplice qu’elle a enduré, tout cela est uniquement le fait d’un complot ourdi contre elle, avec une méchanceté et une habileté infernales, par des hommes qui la haïssaient pour s’être refusée à devenir leur maîtresse. Voilà ce qu’elle soutient éloquemment, aussi bien dans la biographie de Costanza que dans la préface et les notes du recueil de ses lettres : mais, hélas ! elle ne parvient pas à nous le prouver, et tout notre bon vouloir ne nous suffit point pour pouvoir accepter l’image, qu’elle nous offre, d’une malheureuse femme parfaitement sage et bonne, n’ayant contre elle que sa grâce même, et victime d’une fatalité sans pareille au monde. A chaque page de son récit, nous rencontrons des obscurités ou des contradictions qui nous mettent en défiance ; nous avons l’impression qu’elle ne nous dit point tout, s’étant sans doute elle-même aveuglée d’avance sur tout ce qui pourrait nuire à son héroïne ; et quand ensuite nous prenons les lettres de Costanza Monti, nous y voyons bien que la malheureuse proteste obstinément de son innocence : mais ses protestations sont le plus souvent si emphatiques, et si embrouillées, et rédigées, d’une lettre à l’autre, en des phrases si pareilles, que nous avons peine à y sentir un accent réel et profond de sincérité.

Au reste, et malgré tout le zèle de Mlle Romano, une très importante série de lettres de Costanza semble lui être restée inconnue : lettres écrites par la jeune femme, entre 1819 et 1823, à un prêtre de