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aujourd’hui mardi le 30 août, à six heures du soir, dans la Salle Scharf, Montagne Notre-Dame, aura lieu un dernier concert, mais cette fois irrévocablement le dernier. Dans ce concert paraîtront la petite fille, qui est dans sa douzième année, et le petit garçon, qui est dans sa septième[1]. Non seulement tous deux joueront des concertos sur le clavecin ou le piano[2], — et la petite fille, même, jouera les morceaux les plus difficiles des plus grands maîtres : mais en outre le petit garçon exécutera un concerto sur le violon ; il accompagnera au piano les symphonies ; on couvrira d’un drap le manual (ou la tastature) du piano, et par-dessus ce drap, l’enfant jouera aussi parfaitement que s’il avait les touches devant les yeux ; il reconnaîtra aussi, sans la moindre erreur, à distance, tous les sons que l’on produira, seuls ou en accords, sur un piano, ou sur tout autre instrument imaginable, y compris des cloches, des verres, des boites à musique, etc. Enfin il improvisera librement (aussi longtemps qu’on voudra l’entendre, et dans tous les tons qu’on lui proposera, même les plus difficiles), non seulement sur le piano, mais encore sur un orgue, afin de montrer qu’il comprend aussi la manière de jouer de l’orgue, qui est tout à fait différente de la manière de jouer du piano. Le prix d’entrée sera d’un petit thaler par personne. On peut se procurer des billets à l’Auberge du Lion d’Or.


Et le voyage se poursuivit de ville en ville, le long du Rhin, avec les mêmes alternatives de triomphes inattendus et d’amères déceptions : comme si la réalité s’était amusée à prendre, toujours, le contre-pied des ingénieuses prévisions de Léopold Mozart. A Coblence, cependant, le 18 septembre, l’Électeur de Trêves se trouva disposé à entendre les deux enfans, et fit à leur père un cadeau de dix louis d’or. Mais à Bonn, quelques jours plus tard, le prince-évêque de Cologne était absent ; et les Mozart durent se contenter d’une visite aux appartemens de sa Résidence, où deux lits, une baignoire, et une collection de montres, paraissent avoir tout particulièrement frappé la petite Marianne, chargée du mémorial « pittoresque » de l’expédition. A Aix-la-Chapelle, la princesse Amélie, sœur du roi de Prusse, entendit les enfans prodiges, et en fut ravie : mais, par malheur, cette princesse « n’avait pas d’argent. » Et Léopold Mozart ajoute tristement : « Ah ! si les baisers qu’elle a donnés à mes enfans, et surtout à Wolfgang, étaient des louis-dors, nous aurions bien lieu de nous en réjouir ! Mais ni l’hôtelier, ni le maître de poste ne se laissent payer avec des baisers. »

  1. Wolfang était, en réalité, dans sa « huitième » année : mais son père avait pris déjà l’habitude de le rajeunir.
  2. A noter encore cette distinction, — mentionnée ici pour la première fois, — du « clavecin » et du « piano. » Elle achève de nous faire supposer que c’est durant cette traversée de l’Allemagne que Mozart a, d’abord, rencontré l’instrument nouveau qu’il allait achever de connaître à Paris, mais surtout à Londres.