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2° D’une taxe sur le loyer d’habitation

La taxe personnelle devra produire au moins 120 millions, et sera fixée par les contrôleurs des contributions directes (art. 18). La taxe sur le loyer d’habitation est fixée à 4 p. 100 de la valeur locative imposable, par le même contrôleur, et le projet calcule qu’elle rendra au moins 162 millions à l’Etat.

Une série de dispositions de détail établit des distinctions d’après la population, des catégories de contribuables plus ou moins imposées suivant le nombre des enfans ; mais la base, la mesure de la portion principale de l’impôt général sur le revenu (la taxe sur le loyer) reste essentiellement la valeur locative de l’habitation. Elle ne doit pas seulement permettre à l’Etat de percevoir la plus grosse part du nouvel impôt, sous forme de taxe sur le loyer, elle doit aussi, dit l’exposé des motifs, servir au contrôleur pour « estimer le revenu, » surtout dans les villes, et même toutes les fois qu’il se trouvera en présence de « données insuffisantes. » Ce formidable fonctionnaire estimera à son gré suffisantes ou insuffisantes les « données » qu’il rencontrera, et pourra, quand il lui plaira, multiplier la valeur locative, à Paris par 7, dans les grandes villes par 8, dans les moindres par 9, dans les communes de 5 001 à 10 000 habitans par 10, afin de déterminer le montant de la taxe personnelle infligée au contribuable, devenu, plus savamment et plus strictement que sous l’ancien régime, « taillable et corvéable à merci. »

Ce n’est pas tout. La taxe sur le loyer devra supporter les centimes additionnels départementaux et communaux aujourd’hui perçus sur le principal des contributions supprimées et remplacées par l’impôt sur le revenu. Or, ces centimes s’élèvent à plus de 127 millions dans le budget de 1905. Ce n’est donc pas seulement les 282 millions prévus par le budget, mais 127 de plus, soit 409 millions que le tout-puissant contrôleur, érigé en personnage le plus considérable de l’État, bien au-dessus de M. Loubet, répartira selon son humeur sur les épaules des citoyens du peuple souverain, au nom de la République française. Et ceci n’est qu’un commencement, — un apéritif.

J’ai donc bien raison, trop raison de dire que la valeur du loyer d’habitation est l’âme, — si cette expression est aujourd’hui permise, — du projet gouvernemental, autant et plus que des précédentes lois. Aussi, pour renseigner d’une façon exacte le public, les sages législateurs eux-mêmes, sur la valeur du