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« collectiviser » les biens par le moyen d’un mécanisme fiscal. L’Assemblée nationale en particulier n’eut qu’un souci, qu’un principe, dans toutes ses tentatives, dans toutes ses recherches : faire payer aux contribuables le moins possible ; faire payer tout le monde sans distinction aucune, excepté les indigens ; instituer l’impôt sur les choses et non sur les personnes, c’est-à-dire l’impôt réel et non l’impôt personnel, l’impôt proportionnel aux ressources, par conséquent égal pour tous, et non l’impôt progressif, c’est-à-dire arbitrairement inégal.

« La perception (des impôts) se fera sur tous les citoyens et sur tous les mêmes biens de la même manière et dans la même forme… » (Article 9 de la Déclaration des Droits du 11 août 1789.)

« Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de contribuer aux charges publiques. » (Article 101 de la Constitution du 24 juin 1793.)

Tels furent les principes dominans de la Révolution et de ses Assemblées depuis 1789 jusqu’à la fin. Il est aisé de comprendre dans quel sens furent dirigées les dispositions légales ayant pour objet de les appliquer ; les travaux du Comité de l’imposition, les rapports de La Rochefoucauld, de Defermon, les discours de tous les orateurs concordent à montrer jusqu’à l’évidence la permanence, la netteté de cette doctrine fiscale. Le rapport présenté par le Comité de l’imposition sur la Contribution foncière le 4 septembre 1790, lu en séance par La Rochefoucauld le 11 septembre, et signé par Dauchy, Defermon, Jary, d’Allarde, Talleyrand, Rœderer et Dupont de Nemours en même temps que par lui, doit être consulté comme le document capital de l’Assemblée constituante en matière d’imposition. Il condamne d’abord avec énergie tout impôt « assis sur les facultés présumées des contribuables » et dont la taille personnelle fut le modèle, comme aussi la capitation personnelle établie par Louis XIV d’après les « facultés présumées » des contribuables. Il condamne en second lieu non moins énergiquement l’impôt de quotité et consacre l’impôt de répartition, l’impôt de quotité entraînant pour chaque contribuable un « procès entre lui et le percepteur. » La contribution foncière sera donc un impôt de répartition, dont le produit total sera fixé d’avance, établi directement sur toutes les terres, réparti proportionnellement à leur revenu net évalué d’après les baux et d’après la comparaison avec les biens affermés pour ceux qui ne le sont pas.