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les insurgés non comme des belligérans, mais comme des brigands en révolte contre la loi, et en les envoyant pour de longues années dans les pénitenciers, on en débarrasse radicalement le pays. En même temps, par une autre application du même principe, M. Taft prescrivait que l’armée ne devait plus être employée qu’en cas d’extrême nécessité à réprimer les désordres intérieurs, et que, contre des brigands, les forces de police, dépendant directement du gouverneur civil, devraient être suffisantes ; il créait, avec l’autorisation du Congrès, des compagnies d’éclaireurs indigènes dont les services ont été très utiles ; mieux au courant des mœurs et de la langue de leurs compatriotes, ils sont plus à même de surveiller leurs mouvemens, et, en servant les Américains, ils finissent par s’attacher à leur cause.

Ces mesures furent complétées par un règlement organisant la Reconcentration, et surtout par le Bandolerismo Statute ou loi sur le brigandage. « Il n’est pas exagéré de dire que cet acte a été très efficace pour amener des soumissions et délivrer le pays. » Il est curieux d’en résumer les dispositions essentielles ; on verra que, s’il répond certainement à un besoin, il n’est peut-être pas strictement conforme aux règles juridiques ordinaires et au principe de l’habeas corpus.


1° Quand deux ou trois individus se réuniront pour voler des carabaos (buffles) ou d’autres choses, et seront rencontrés vagabondant sur les routes et porteurs d’armes, ils seront jugés comme brigands et condamnés à la peine de mort ou à vingt ans au moins de prison.

2° Pour prononcer la condamnation, il ne sera pas nécessaire de prouver qu’un des membres de la bande a volé ou tué ; le fait d’avoir fait partie d’une bande armée suffira.

3° Les individus accusés du crime défini à l’article Ier pourront être jugés par le tribunal du district où ils auront été arrêtés.

4° Tout individu qui, notoirement, aura prêté secours aux brigands, soit en les informant des mouvemens de la police, soit par recel, soit en leur procurant des habits, des armes, des munitions, etc., sera passible d’un emprisonnement de dix à vingt ans.


La difficulté de prouver la culpabilité particulière de chaque individu et sa part dans les crimes collectifs énervait la répression : armé du nouvel act, qui fut fermement appliqué par les juges philippins aussi bien qu’américains, M. Taft put arriver à purger presque complètement le pays des bandes qui l’infestaient.