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eu de relations avec San Miguel et les autres chefs de bandé qu’ils considéraient comme de vulgaires « voleurs de troupeaux. » M. Taft les assura qu’il ne leur serait demandé que le serment d’allégeance, et que, si leur vie demeurait conforme à leur parole, ils ne seraient jamais inquiétés. Au moment où fut rédigé le rapport, Apacible était venu spontanément et avait prêté le serment. Un autre chef, Ricarte, revenu de son exil à Guam, ayant de nouveau refusé le serment, a dû repartir pour Hong-Kong. Le docteur Dominador Gomez y Jésus, créateur de l’Union ouvrière, a été condamné à quatre ans de prison pour organisation d’une association illégale. Quant à « l’association socialiste et anarchiste, qui a son quartier général à Paris et dont le but est de créer aux Philippines une république démocratique et sociale, » elle n’a jusqu’ici tenté aucune action sérieuse.

Ainsi les premiers résultats semblent donner pleinement raison à la politique préconisée par les présidens Mac-Kinley et Roosevelt. En même temps que M. Taft appliquait avec succès leurs instructions et réduisait l’insurrection, les deux présidens avaient, eux, un autre combat à livrer, moins sanglant mais aussi acharné, contre les adversaires de leur politique. Le Congrès, la presse, devenaient des champs de bataille où le sort des Philippines, discuté et ballotté, suivait la fortune des partis politiques et les hasards des batailles électorales. C’est le malheur des pays parlementaires que les intrigues de pouvoirs et les rivalités de personnes déforment les questions les plus graves et les rapetissent au niveau des plus mesquines passions et des intérêts les moins avouables ; le mal est sans remède là où il n’est pas, comme aux États-Unis, atténué par la forte constitution d’un pouvoir exécutif vraiment indépendant et réellement responsable. Dès le début de l’occupation américaine, l’opposition démocrate et « populiste » s’empara de la question des Philippines pour battre en brèche la politique du parti républicain ; en 1900, au moment de la grande lutte entre M. Mac-Kinley et M. Bryan, les Philippines servirent de « plate-forme » électorale. Philippines et Panama sont encore, dans le duel qui va décider entre M. Parker et M. Roosevelt, l’arme favorite des démocrates. Chez nous, jadis, le Tonkin eut la même infortune ! Ces batailles où les factions et les candidats luttent à coups de discours, d’articles et de monstrueuses réclames, ont leur écho là-bas, dans les marécages et les forêts vierges, où les soldats américains