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et trois Philippins ; dans les tribunaux de première instance entrent environ un tiers de juges philippins. Ainsi, dès les premières années de leur domination, les Américains ont largement ouvert, à l’élite de la population indigène, l’accès des fonctions publiques ; comme fonctionnaires, les Philippins sont appelés à se régir par eux-mêmes, mais ils n’ont pas encore de représentation législative élue. La Chambre de Washington avait proposé de doter l’archipel d’une assemblée législative, et M. Taft, dans son article de la Revue Outlook, s’est prononcé pour l’adoption de ce système. Nettement hostile à la manifestation théorique et dangereuse d’une « déclaration des droits de l’homme » à l’usage des Philippins, proposée par quelques députés, auteur de dispositions sévères pour réglementer la liberté de la presse et empêcher les journaux de pousser aux haines de race et d’exciter les indigènes à la rébellion, M. Taft, sans méconnaître les inconvéniens que l’existence d’une assemblée, si docile soit-elle, ne peut manquer d’entraîner, en demande cependant la création : il y voit la meilleure école pour habituer les Philippins à gouverner eux-mêmes leurs propres affaires. Les restrictions apportées au droit de suffrage sont, selon lui, une garantie suffisante que l’assemblée serait en grande majorité composée d’élémens conservateurs et de partisans du régime créé par le traité de Paris. Que si d’ailleurs il venait à se produire une tentative d’obstruction, un refus de voter l’impôt, le gouverneur aurait toujours le droit d’inscrire d’office, au budget, des taxes analogues à celles de l’exercice précédent : en outre, aucune loi ne pourrait devenir exécutoire sans l’intervention de la commission. Entourée de ces sages précautions, la pratique du régime parlementaire semble à M. Taft présenter plus d’avantages que d’inconvéniens ; il y aurait des discussions inutiles, parfois déplorables, mais n’est-ce pas en faisant des fautes que l’on s’instruit ? Les Philippins se formeraient ainsi à la vie politique ; ils feraient l’apprentissage de la liberté. Le Congrès, jusqu’à présent, n’a pas adopté le point de vue de l’éminent gouverneur ; la question de l’assemblée législative reste en suspens.

Avant d’appeler les Philippins à se gouverner eux-mêmes, les Américains exigent d’eux qu’ils fassent la preuve de leurs capacités et, d’abord, qu’ils montrent qu’ils ne sont pas inaptes à toute besogne fatigante et suivie. Pour les travaux de l’intelligence, la preuve est faite, et il est notoire qu’une race qui a