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ce qu’il en attendait. Il a fait preuve d’un coup d’œil très sûr en choisissant le moment présent pour en appeler aux électeurs, et il a trouvé dans la réponse du pays une justification de sa politique et un encouragement à y persévérer. Que l’opposition constitutionnelle ait perdu quelques membres, on peut le regretter en se plaçant à un certain point de vue ; mais l’incident n’aura pas immédiatement de conséquences fâcheuses, puisque ce qu’elle a perdu a été gagné par le parti ministériel et non pas par les ennemis de l’ordre politique et de l'ordre social actuels. Ces ennemis sont les socialistes et les républicains. M. Giolilti les a englobés sous le qualificatif commun de révolutionnaires : c’est contre eux qu’il a fait la dissolution et tourné tout son effort électoral. Il a d’ailleurs déclaré très haut que la politique resterait la même, que le programme libéral du gouvernement ne serait pas changé, que ses tendances continueraient de le porter vers la gauche ; mais, en même temps, il s’est montré résolu à appliquer les lois, toutes les lois, avec une fermeté qui ne laisserait aucun doute sur le prix qu’il attache au maintien de l’ordre et au développement normal des institutions. Avant de parler, il avait agi, et c’est ce qui donnait plus de valeur à ses paroles. Son langage, en effet, est celui que tiennent tous les gouvernemens ; on peut le trouver sur les lèvres mêmes de nos ministres ; mais M. Giolitti fait ce qu’il dit, en quoi il se distingue de quelques autres. On l’a bien vu au mois de septembre dernier. Des faits très graves se sont passés alors en Italie et ont troublé pendant quelques jours la tranquillité et la sécurité de la péninsule. Des grèves, qui se sont produites sans beaucoup de raison, ont été soutenues par des procédés révolutionnaires, et cela dans les plus grandes villes du Nord, comme Milan. Le gouvernement n’a pas hésité à sévir : il l’a fait même rudement, le sang a coulé, mais l’ordre a été rétabli. On a vu alors le parti socialiste ordonner, sous la forme d’une grève générale qui a commencé et qui a fini au moment précis qu’il avait déterminé, une sorte de mise sur pied et de revue de toutes ses forces. Le spectacle a été instructif, mais inquiétant. Le gouvernement y a vu avec raison un défi qu’il a relevé : il y a répondu par la dissolution de la Chambre et par les élections.

Le pays était ému, irrité : le gouvernement jugeait l’occasion propice pour lui demander de se prononcer entre la révolution et lui, car c’est bien ainsi que la question a été posée. M. Giolitti a rappelé sous les drapeaux la classe qui venait d’être libérée, disant bien haut que la liberté des élections serait complète, mais que l’ordre ne serait pas troublé, et il a tenu parole. Il n’y a en désordre sur aucun point du