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peine indiquées. Mais, depuis Louis XV, chez beaucoup de personnages de la Cour, qui allaient jusqu’à faire vendre, à vil prix, à la porte du château, la desserte de tables luxueusement servies, auxquelles ils ne s’étaient même pas assis, il n’y avait le plus souvent, comme chez le Roi et les princes, qu’une pensée : c’était de fuir un séjour et une étiquette qui, d’année en année, leur semblaient plus insupportables et qui, lassant les uns et les autres, contribuait de moins en moins à « ce respect des peuples » si cher à Louis XIV et, à ses yeux, le principe et la base de la monarchie. A la fin du règne de Louis XV, à la cour duquel on lisait l’Encyclopédie, il n’était plus guère personne, à commencer par le Roi lui-même, qui prît au sérieux les révérences dues par les plus grands seigneurs et les princes du sang eux-mêmes au lit royal ou à la nef du Roi, qui renfermait son couvert, et que précédait et suivait, chaque jour, à travers les grands appartemens, tout un cortège d’officiers et de mousquetaires. D’ores et déjà il semblait que tout ce cérémonial d’un autre âge fût emprunté à la Belle au bois dormant ou à quelque autre conte de Perrault. Louis XV ne changea rien à toutes ces règles, il y tenait même ; mais il s’en affranchit le plus possible, en se réfugiant, lorsqu’il n’était pas à Trianon, à Marly, à Choisy, à Crécy, à Bellevue, à Saint-Hubert, ou ailleurs, dans ces petits cabinets de Versailles, qui devinrent de plus en plus le centre de sa vie et où il avait sa bibliothèque, son tour, ses cuisines, ses offices, ses confiture ri es, ses distilleries et, sur une des terrasses supérieures, ses volières. « Des cabinets, dit La Martinière en ses Mémoires, Louis XV avait fait peu à peu une suite de réduits accessibles à ses seuls confidens et qui, sans être absolument séparés de son palais, n’y avaient de communication que ce qu’il en fallait nécessairement pour le service. » C’est là qu’il donnait ses soupers intimes. C’est là qu’il logea plusieurs de ses maîtresses, à commencer par Mme de Mailly et à finir par Mme Dubarry, qui s’y installa avec un luxe d’ameublement incomparable.

Dès la rentrée de la Cour à Versailles, qui, de 1715 à 1722, avait été abandonné, et, pendant un moment, avait même paru devoir l’être définitivement, Louis XV commença à faire travailler à ces nouveaux appartemens. Pendant plus de cinquante ans, il ne se lassa pas d’en faire remanier de toutes façons l’aménagement, l’ornementation, les boiseries vraiment uniques. D’Argenson prétendait que ces « nids à rats » avaient coûté plus cher que