Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/577

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pompadour où donne une porte et nous revînmes à son coucher public à l’ordinaire qui se fit tout de suite. »

Tel était le genre de vie, en partie double, ou triple, que Louis XV mena de plus en plus à Versailles, passant des grands appartemens dans les petits, et de ceux-ci « dans le véritable particulier des petits cabinets. » Ce véritable particulier, il le changeait et modifiait à sa guise, agrandissant ou restreignant les locaux qui en dépendaient, ou bien encore, le cas échéant, y adjoignant, dans telle autre partie du château qu’il lui convenait, quelque logement dont il invitait le titulaire à ne plus se servir. C’est ainsi qu’au début de la faveur de Mme de Mailly, la première des sœurs de Nesles, il assigna, rapporte le Journal de Narbonne, un logis à M. de Meuse en lui disant : « Votre chambre sera meublée, vous y aurez un lit et n’en ferez pas usage. » Ce même logement fut ultérieurement affecté à quelques-unes des « petites maîtresses, » notamment à la Morphise qui, un moment, inquiéta si fort Mme de Pompadour. Un autre appartement qui fut, lui aussi, emprunté à son titulaire fut celui du duc de Richelieu, lorsque Mme de La Tournelle eut recueilli dans la faveur royale la succession de sa sœur, Mme de Mailly. Il ne s’agit là, d’ailleurs, que d’une installation provisoire. Peu après, en délogeant le duc et la duchesse d’Antin, la marquise de Matignon, dame du Palais, le maréchal de Coigny, Louis XV attribua à sa nouvelle favorite, promue maîtresse déclarée, sous le titre de duchesse de Châteauroux, un grand appartement plus conforme à sa situation nouvelle, et qui devint par la suite celui que Mme de Pompadour occupa, lorsqu’elle ne fut plus que l’amie du Roi[1]. Combien de fois assista-t-on à de semblables déménagemens et aménagemens, non pas seulement pour les maîtresses royales, mais aussi pour les princes, ministres et autres personnages ; le caprice de Louis XV les envoyait d’un bout à l’autre de ce vaste château de Versailles, très mécontens parfois, mais obéissans toujours, heureux quand quelque lettre de cachet ne les exilait pas, comme Chauvelin ou Choiseul, fort loin de la Cour.

  1. C’est vers ce moment que Mme de Pompadour quitta l’appartement qu’elle occupait au second étage, au-dessus du salon de la guerre, à l’angle nord de la partie centrale, et où elle se faisait monter dans un fauteuil volant, — précurseur de nos modernes ascenseurs.