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IV

Nulle part, plus que dans les annales de Versailles, il n’apparaît manifestement qu’avec des intentions toutes différentes de celles de Louis XV, et dans un esprit très opposé, Louis XVI et Marie-Antoinette furent, eux aussi, les artisans de cette œuvre ininterrompue de destruction de l’ancien régime qui aboutit à la Révolution. La répugnance, dès le premier jour, manifestée pour l’étiquette de la cour de France par la fille de Marie-Thérèse est demeurée célèbre. On sait quelle émotion suscitèrent parmi les vieux courtisans ses infractions au cérémonial traditionnel. Ce que Louis XV, en supprimant l’escalier des ambassadeurs et en mutilant les grands appartemens avait fait dans l’aile droite du château, Marie-Antoinette l’accomplit dans l’aile gauche. De même que Louis XV avait entrepris de se créer, au centre de la résidence royale, une sorte d’hôtel particulier où il n’admettait que ses favoris et ses favorites, de même Marie-Antoinette, avec une égale persistance, s’appliqua à substituer aux obligations, sinon aux devoirs de la royauté, ses convenances et ses goûts personnels, en faisant disposer, à la porte de ses appartemens, que devait franchir l’émeute, cette série de petites pièces qui, aujourd’hui encore, étonnent par leur exiguïté, à la fois élégante et lugubre, tant leur vue ou plutôt leur absence de vue sur d’étroites et sombres cours intérieures, contraste avec les larges horizons dont Louis XIV avait, de tous côtés, réussi à doter son majestueux séjour.

Sous Louis XVI, non moins que sous Louis XV, ce ne fut que changemens incessans à Versailles, et ces changemens auraient été plus complets encore, sans le manque d’argent qui se fit de plus en plus sentir, surtout au lendemain de cette période de prodigalités au début de laquelle Calonne répondait à Marie-Antoinette : « Si c’est possible, c’est fait ; si c’est impossible, cela se fera. » Peu s’en fallut que, lorsque l’insurrection parisienne vint à Versailles chercher Louis XVI, elle n’y trouvât qu’un palais en démolition. Quelques années auparavant, de 1774 à 1775, tous les arbres et toutes les charmilles séculaires, qui dépérissaient depuis longtemps déjà, ayant été abattus, sur l’ordre de d’Angivillier, directeur des bâtimens, le parc de Louis XIV, pendant de longs mois, avait offert l’aspect désolé dont les tableaux