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Le vieillissement excessif des grades élevés, d’autant plus à craindre qu’il n’existe pas de limites d’âge légales, est évité par « la sélection[1], » destinée à écarter des rangs, quel que soit leur âge, les officiers qui n’ont plus les aptitudes physiques ou intellectuelles nécessaires, ou qui les ont à un degré moindre que leurs camarades de grade.

Dans l’état-major, on avance exclusivement à l’ancienneté, comme dans toutes les armes ; et, néanmoins, les officiers d’état-major gagnent toujours deux à quatre ans sur leurs camarades de l’armée : soit parce qu’on fait passer plus tôt capitaines au titre de l’état-major les lieutenans qui entrent dans l’état-major ; soit parce que l’on presse l’avancement des capitaines d’état-major au titre de ce corps, ou en les classant provisoirement dans les régimens les plus favorisés pour l’avancement au grade de major.

Ces mesures constituent pour l’état-major un véritable privilège ; mais elles ne soulèvent aucune critique dans l’armée allemande. Elles sont comme la conséquence naturelle des garanties qu’offrent le recrutement et l’instruction des officiers d’état-major, du prestige dont ils jouissent universellement, des services exceptionnels qu’ils rendent à l’armée. Et, grâce à cette avance de quelques années, presque toutes les places de général de division, et de commandement de corps d’armée, sont assurées aux officiers issus de l’état-major.

Quant aux commandans d’armée, ils sont généralement choisis parmi les princes de la maison impériale, ou des familles royales de l’Allemagne. L’Empereur, généralissime des armées, a soin de leur donner l’exemple de la confiance absolue qu’ils doivent avoir dans leurs chefs d’état-major.

L’ensemble de ces mesures est bien fait pour assurer, dans d’excellentes conditions, l’utilisation en cas de guerre des forces de la nation allemande. Le maréchal de Moltke avait bien raison

  1. Les rigueurs de la « sélection » sont depuis longtemps passées dans les mœurs de l’armée prussienne. Elles sont généralement justifiées par les notes données hiérarchiquement aux officiers intéressés. On cite cependant des exemples d’erreurs, et, en particulier, le cas du maréchal Blücher, le cher énergique de l’armée prussienne en 1813-14 et 15. Blücher avait été, dit-on, éliminé par « sélection, » comme capitaine, par Frédéric le Grand. Il fut réintégré dans l’armée par Frédéric-Guillaume II, mais il n’accepta qu’à la condition de reprendre son ancienneté primitive. La Prusse n’a pas eu à se plaindre de l’accroc, donné dans cette circonstance, à l’inflexible mesure de la « sélection. »