Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre s’apprend par la guerre, et uniquement par la guerre !

Notre armée s’était endormie sur les succès incomparables que lui avait fait réaliser un chef de génie, sans préparation apparente, persuadée qu’elle recommencerait quand on le voudrait, et que rien ne résisterait à son entrain, à sa fougue, à sa confiance en elle-même.


II

Qu’y avait-il de vrai dans l’idée que le génie de Napoléon s’était développé sans aucune préparation ? Faut-il réellement attribuer à un prodige de divination les succès qu’il obtint, dès sa première campagne, en 1796, à la tête de l’armée d’Italie ? Ne peut-on pas trouver une explication plausible à l’entrée en scène de ce jeune officier d’artillerie de vingt-six ans, qui, presque inconnu, sans passé, sans expérience sérieuse de la guerre et du commandement, s’est mis dès son début au premier rang des grands capitaines de l’histoire ?

« C’est un problème que nul parmi les historiens de la jeunesse de Napoléon n’avait jusqu’ici tenté de résoudre, » a écrit M. Henry Houssaye dans le feuilleton du Journal des Débats du 10 octobre 1901. « M. Frédéric Masson et M. Arthur Chuquet se sont seulement posé la question. Le général Yung paraît ne l’avoir même pas soupçonnée. Le colonel York de Wartenburg s’est abstenu de la traiter, bien qu’elle entrât exactement dans le cadre de son Napoléon als Feldherr. Quant à la brochure du général Pierron : Comment s’est formé le génie militaire de Napoléon, elle porte un titre décevant. M. le général Pierron ne cherche à faire aucune lumière sur les études et la carrière de Bonaparte avant 1796. Il s’efforce seulement de démontrer — sans d’ailleurs y réussir — que Bonaparte emprunta à un livre du maréchal de Maillebois, ou plutôt du fils de celui-ci, le plan de la première campagne d’Italie :

« L’auteur de l’Éducation militaire de Napoléon[1], M. le capitaine Colin, a donc le mérite d’avoir, le premier, étudié cette question, et de l’avoir précisée, développée, approfondie et éclairée. Je ne dis pas pour cela qu’il en ait donné une solution certaine… »

  1. L’Éducation militaire de Napoléon, par J. Colin, capitaine d’artillerie breveté, 1 vol. Librairie Chapelot.