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l’armée, à la guerre, dès que les événemens le permettront.

Avec quels auteurs s’est-il préparé ? est-ce avec Du Teil, comme le croit le capitaine Colin, avec les écrivains militaires du XVIIIe siècle, ou leurs prédécesseurs, ou même avec les Grecs et les Romains ? On ne le saura jamais. Il ne prenait plus de notes comme autrefois à Auxonne, quand il lisait tout, se préparait à tout. Maintenant que sa voie est tracée, que ses lectures ont un but précis, il n’a plus besoin d’écrire pour se souvenir ; c’est dans l’esprit qu’il se grave les principes qu’il croit devoir retenir, et qui lui paraissent fondamentaux pour agir à la guerre.

Ce qu’il y a de certain, c’est que rentré en France comme capitaine d’artillerie, et présenté, en juin 1793, aux représentans du peuple qui se trouvent à Avignon, par son ami et compatriote Salicetti, Napoléon ne tarde pas à faire grande impression sur l’esprit des représentans par la sûreté, la largeur de ses vues, la netteté de ses appréciations sur le plan de l’expédition, qu’on dirigeait alors pour réprimer une insurrection à Marseille.

Les représentans l’attachent aux troupes de cette expédition ; puis comme chef d’escadron au siège de Toulon, où il se distingue.

Nommé général de brigade, commandant l’artillerie de l’armée d’Italie, il continue à travailler avec les représentans du peuple qui accompagnent cette armée. Bientôt, probablement sur son conseil, — car il est « leur faiseur de plans[1], » — les représentans font renoncer à l’idée d’attaquer, uniquement de front, la formidable position de l’Aution-Saorge, contre laquelle tant de longs et brillans efforts s’étaient brisés inutilement. On essaie de la tourner, en outre, par un fort détachement s’enfonçant en Italie par le littoral, pour se rabattre ensuite, brusquement, sur les derrières des Autrichiens. L’opération est confiée à Masséna. Elle réussit. C’est une leçon de choses, qui montre à Napoléon l’influence décisive des opérations compromettant ou menaçant les lignes de communication de l’adversaire, et qu’il retient. Il s’occupe aussi, surtout avec l’un des représentans, Robespierre le jeune, de nouveaux plans d’opérations pour assurer la coopération des deux armées des Alpes ; enfin il reconnaît une grande partie du terrain où opère l’armée.

Relevé de son, commandement, en août 1794, il continue à

  1. Lettre du 6 août 1794, des représentans Salicetti, Albitte et Laporte, à la Convention.