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Les membres du Conseil supérieur de la guerre ont toutes facilités pour se préparer à leur grand rôle ; toutefois cette préparation se poursuit, non pas avec leurs états-majors du temps de guerre, mais bien avec quelques officiers d’ordonnance, qui constituent de véritables cabinets du temps de paix. Il est à craindre que ces cabinets ne continuent à fonctionner en temps de guerre, et ne fassent échec aux états-majors ; les généraux écartant systématiquement, comme cela s’est vu en 1870, leurs chefs d’état-major de la conception et de la préparation des opérations, et les condamnant à transmettre, tels quels, souvent en toute hâte, des ordres préparés par leurs cabinets.

Les inconvéniens très graves de cette dualité des états-majors et des cabinets ont été signalés, après la guerre de 1870-1871, par le général Jarras, chef d’état-major du maréchal Bazaine, et par le général Borel, chef d’état-major du général Bourbaki à l’armée de l’Est. Recevant les ordres au dernier moment, sans avoir le temps de les étudier et même de les comprendre, ces chefs d’état-major se sont trouvés dans l’impossibilité de remplir le rôle de prévoyance, qui aurait dû leur incomber, de parer aux difficultés d’exécution des ordres, d’orienter à temps les chefs des troupes et des services, de préparer les officiers d’état-major à intervenir sur les lieux, auprès des commandans de troupes, pour que partout l’action se poursuive dans le sens et vers l’objectif indiqués par le chef suprême.

Les cabinets des généraux sont à supprimer. Et, à cette fin, il faudrait interdire d’employer les officiers brevetés comme officiers d’ordonnance.

Au sortir de l’Ecole supérieure de guerre, où l’on a si bien préparé, stimulé leurs esprits pour la guerre, les officiers brevetés sont trop souvent absorbés par des travaux de chancellerie. A la longue, ces travaux, entièrement étrangers aux préoccupations de la guerre, ne peuvent qu’émousser la préparation de nos officiers d’état-major à leur rôle d’aides du commandement pour la conception et la direction des opérations.

C’est un vice fondamental auquel il faut porter remède sans tarder. Le meilleur moyen consisterait, à mon avis, à scinder notre service d’état-major en deux : les officiers brevetés, et les officiers d’état-major.

Le brevet serait obtenu, comme cela a lieu actuellement, à la suite d’un concours terminant deux années de travail à l’École