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vieille loi de 1832, ou bien la remplacer par une loi nouvelle ? Le gouvernement a adopté cette dernière solution, et il a soumis au Parlement un projet de loi destiné à substituer, aux erremens du choix et de l’ancienneté, un système compliqué de majorations progressives de l’ancienneté des officiers. Ce projet ne répond pas aux besoins de l’Etat, qui a intérêt à voir accorder l’avancement au mérite des officiers, au moment même où on les propose, à leur aptitude à rendre de bons services dans l’avenir ; et non pas aux services rendus aux époques plus ou moins éloignées de leur carrière En outre, il donne au ministre des droits exorbitans ; ce serait pousser, plus que jamais, au régime des faveurs, des sollicitations étrangères à l’armée.

Faut-il imiter les armées qui nous entourent, et adopter l’avancement à l’ancienneté par sélection, en éliminant les moins capables, en brisant, avant le temps légal, la carrière de certains officiers, pour pousser plus vite les autres ?

En Allemagne, les officiers ainsi éliminés par un ordre de l’Empereur, — le souverain se réserve cette besogne pénible, — reçoivent généralement quelques faveurs ; et ils se taisent. En France, une fois libérés du service et devenus électeurs, ils ne cesseraient de réclamer, de crier à l’injustice. De fait, cette mesure est dure, humiliante, pour de vieux officiers qui, tout en ayant renoncé à l’avancement, n’en désirent pas moins conserver, jusqu’au bout, l’espoir de se distinguer, de se sacrifier même pour le devoir, pour l’honneur. La sélection n’est pas dans les mœurs de l’armée ; elle réussirait difficilement…

Avec notre système actuel d’avancement au choix, on cherche à rajeunir les hauts grades en favorisant les officiers les plus capables. Le choix s’exerce presque toujours sur un grand nombre d’officiers ayant à peu près les mêmes mérites ; il laisse nécessairement sur le carreau des hommes de valeur, et soulève, lui aussi, des récriminations qui peuvent paraître justifiées, au point de vue des intérêts des officiers, et qui, en réalité, sont mal fondées, puisqu’il s’agit d’une nécessité de la défense nationale. Au point de vue strict de l’équité, le choix n’est pas plus juste que la sélection ; mais il ne l’est pas moins. Bien employé, il permet de pousser plus rapidement quelques officiers et d’avoir des chefs de corps d’armée plus jeunes, plus actifs. C’est un avantage précieux ; car nous n’avons pas de princes jeunes, entreprenans, à qui confier nos armées.