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de l’intervention des délégués athéniens, il lui donnait la forme matérielle et définie qui pouvait seule assurer » une solution pratique, tandis qu’en les invitant à une controverse générale, on risquait de disperser, à travers de nombreux détours, d’abord leur action qu’il importait de concentrer, ensuite l’attention et les sympathies de l’Assemblée. Il estimait donc servir beaucoup mieux leurs intérêts en délimitant le champ de la discussion et en précisant le but de leurs efforts. Sa conviction à cet égard était inébranlable, et il m’a dit depuis combien il lui avait été pénible d’avoir paru moins zélé que d’autres pour la Grèce, lorsque, au contraire, par une motion plus mesurée mais plus sérieuse, il lui préparait un agrandissement certain.

La suite a prouvé la sagesse et la prévoyance de cette tactique. Toutefois les sentimens provisoires de plusieurs plénipotentiaires affectaient alors d’être si intenses, que le Congrès fut sur le point de préférer l’amendement spéculatif de lord Salisbury à la proposition substantielle de M. Waddington. Les suffrages furent d’abord également partagés, et il fallut les déclarations impartiales du prince Gortchakof en faveur des diverses races de l’Orient, et l’autorité du Président qui, selon sa coutume, appréciait avant tout les avantages effectifs, pour que la rédaction de notre ministre des Affaires étrangères fût définitivement adoptée.

J’imagine que s’il en eût été autrement, la haute assemblée se fût trouvée quelque peu embarrassée de son ardeur, et de l’immixtion des représentans grecs dans les démêlés des populations homogènes, car il arriva qu’après quelques jours consacrés à l’étude des questions slaves et des complications du problème oriental, la crainte de désorganiser outre mesure l’Empire ottoman avait refroidi sensiblement ses inclinations hellènes. Cette réaction devint même progressivement si forte que le projet français, qui avait paru trop restreint, était maintenant considéré comme extrêmement étendu, excessif même : tout en acceptant l’idée d’élargir le royaume, on élevait contre elle, dans les conversations particulières, une foule d’objections stratégiques et politiques ; enfin j’entendais autour de moi des observations assez aigres sur les prétentions de la Grèce. Si bien que M. Waddington n’espérait plus obtenir qu’au prix de considérables réductions les annexions qu’il avait en vue, et ne doutait pas que,