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à ses propres inspirations. Car ce poème, qui parle de tout, a négligé pourtant de parler de la fable. Et c’est pourquoi, après avoir « consulté pendant longtemps son esprit et ses forces, » le poète prend son courage à deux mains et va prendre conseil du vieux boyar Jean Vacaresco. On ne sait pas quelle fut là-dessus la réponse du grand logothète.

On le voit en revanche essayer d’éclaircir lui-même ses doutes, quelques mois plus tard, dans une seconde épître qu’il adressa au boyar Campineano. Cette fois-ci, il emploiera un système qui, pour être un peu compliqué, ne laisse pas d’être tout à fait sûr. Sous prétexte de savoir quel sujet il prendra pour en faire celui de son épître, il passera en revue les différens genres poétiques connus, et, par éliminations successives, il s’arrêtera finalement devant celui qui lui paraîtra le plus conforme à son tempérament littéraire. Quel sera cet heureux genre ? Ce ne sera ni l’ode, car en bon disciple de Boileau, il ne se reconnaîtra aucune espèce d’admiration pour les belliqueuses gloires des temps jadis ; — ni l’idylle, car les paysans, depuis qu’il les connaît, sont loin de lui inspirer les sentimens poétiques traditionnels ; — ni l’élégie intime, son genre favori d’autrefois, car ses douleurs de jadis ont cessé d’agir sur lui ; il s’est aperçu qu’il avait été toujours la véritable cause de ses malheurs ; et, doit-il dire toute la vérité ? l’expérience lui a montré que ses douleurs ne signifient rien à côté de celles de ses semblables :


Ainsi quand du haut d’une montagne, je regarde en bas
Et que je considère les autres collines, elles me paraissent toutes petites…


C’est la peinture de la société qui semble l’attirer davantage, la fable et peut-être déjà la satire, tout comme dans l’Épître au boyar Vacaresco.

À côté de ces Épitres, le recueil de 1838 contient cependant un certain nombre d’Élégies… Elles se distinguent des premières par une certaine élévation de pensée et par un plus grand souci de la forme. L’influence de Lamartine y est d’ailleurs toujours dominante. L’une de ces pièces, la Prière, n’est qu’une transposition, pour une personne âgée et réfléchie, de l’Hymne de l’enfant à son réveil. L’auteur a cessé de prier Dieu, comme il faisait dans son premier recueil, « de le délivrer des maux de cette existence ; » il lui demande désormais : 1° de le rendre croyant, durant toute sa vie ; 2° de lui accorder la force d’âme nécessaire