Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme ce morceau, dont le titre est bien pourtant La Méditation :


L’été prend son vol pour des rivages éloignés,
Le doux soleil de l’automne s’incline vers le couchant…
L’immense étendue semble s’unir au loin
Aux dernières frontières du ciel et du monde.


Ce vol du temps et cette immensité de l’espace entraînent le poète à des méditations philosophiques, si l’on veut, mais nullement religieuses ou lamartiniennes. Il pense à la mort sans passer par l’idée de Dieu ; il voit cette faucheuse en train de détruire et de régénérer continuellement l’humanité ; et ne peut s’empêcher de protester contre les injustices du monde :


Où sont tant d’amis que j’aimais dans ma jeunesse ?
Où sont les chers êtres qui m’ont vu grandir ?


L’auteur arrive à cette conclusion que, si dans le livre de la destinée, l’homme pouvait lire d’avance : « Qui voudrait encore, Seigneur, passer sa vie sur cette terre ? »

Quatre autres élégies, Élise, L’Attente, Mon cœur est triste et La Barque, nous ramènent à l’histoire personnelle des souffrances et des plaisirs du poète. Un nouveau sentiment se fait place dans son âme, qui modifiera la tonalité générale de ses productions. L’auteur avait alors vingt-six ans. C’est l’amour. La Barque, c’est d’abord le Lac, et puis l’Immortalité de Lamartine :


Passe doucement, ô barque, sur la vague endormie…
Mon âme se fie à ton balancement comme à un ami chéri…


Pour une fois, les trois notions de Nature, de Dieu et d’Amour se confondent ici dans l’esprit du poète :

Je fixe mes yeux éblouis vers le ciel
Je prie en silence, je verse des larmes, et je crois !
Si dans cette heure de plein contentement
Elle surgissait à côté de moi !… Instant divin !
Je renoncerais à ce qui me reste d’existence, et je pourrais dire : J’ai vécu !


Mais ce qui domine, en ce moment-ci, son inspiration, ce qui fait, à ses yeux, la synthèse de la vie, ce n’est point le sentiment religieux, c’est l’amour. Élise et surtout Mon cœur est triste nous l’apprennent éloquemment. Le sentiment religieux est pour Grégoire Alexandresco, nous l’avons vu, comme pour les trois